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Résultat scientifique | Chimie

Synthèse et caractérisation d’une sonde chirale non radioactive pour l’étude de mécanismes réactionnels enzymatiques


​Les chimistes du DMTS (SCBM) ont synthétisé les deux énantiomères d’une molécule comportant un groupe éthyle chiral deutéré et caractérisé leurs propriétés chirales grâce à des techniques spectroscopiques de pointe. Faciles à manipuler, ces deux composés seront utiles pour sonder le mécanisme réactionnel d’enzymes comme les alkyle-transférases.

Publié le 24 novembre 2020

​Un objet est dit chiral s'il n'est pas superposable à son image dans un miroir plan, comme par exemple une main. Une molécule peut être chirale; elle existe alors sous deux formes, dites énantiomères, qui dévient le plan de polarisation de la lumière polarisée dans des sens inverses. Pour les composés dont la chiralité ne repose que sur la présence de différents isotopes de l’hydrogène (hydrogène, deutérium ou tritium), cette propriété optique ne peut être mesurée : on parle alors de composés chiraux aux propriétés crypto-optiques.

Le plus petit représentant de ces molécules est le méthyle chiral radioactif (C1H2H3H), qui s’est révélé fort utile comme sonde pour décrypter le mécanisme réactionnel de méthyle-transférases. Ces enzymes, de la famille des alkyle-transférases, catalysent le transfert d’un groupement méthyle d'un composé donneur à un composé accepteur cible, une réaction clé permettant la modulation fonctionnelle d’un grand nombre de substrats, allant des petits métabolites aux macromolécules.

D’autres sondes permettraient d’étudier le mécanisme réactionnel d’autres alkyle-transférases, celui-ci variant d’une enzyme à l’autre. Cependant, du fait de la présence d’un atome de tritium, la manipulation de ces sondes chirales radioactives reste difficile et délicate et limitée à un nombre restreint de laboratoires. De plus la caractérisation de leurs propriétés, dont la mesure de l’excès énantiomérique (c’est-à-dire l’énantio-pureté) constitue un véritable défi.

Dans une étude publiée dans Organic Letters, les chimistes du DMTS (SCBM) se sont attelés à la synthèse et à la caractérisation d’une sonde chirale deutérée, non radioactive, contenant un groupement éthyle chiral (C1H2HCH3), le [2H]-éthyle tosylate (figure). Véritable prouesse chimique, cette synthèse a permis d’obtenir les deux énantiomères avec une incorporation maximale d’atome de deutérium à la position désirée. Un second défi a consisté à caractériser leurs propriétés chirales. Pour cela, les auteurs ont utilisé deux techniques spectroscopiques de pointe. La RMN du deutérium en milieu anisotrope a permis de déterminer que l’excès énantiomérique de chaque composé est supérieur à 90% : en utilisant un milieu anisotrope (agent chiral d’orientation), les deux énantiomères jusqu’alors non-discriminables par RMN, présentent des orientations suffisamment différentes pour permettre la séparation de leurs signaux RMN et la détermination de leurs excès énantiomériques respectifs. Quant à la configuration absolue de chaque énantiomère, elle a été définie grâce au dichroïsme circulaire vibrationnel, une technique extrêmement sensible reposant sur la faible différence d’absorption, dans le domaine des transitions vibrationnelles, par une molécule chirale de la lumière circulairement polarisée droite et gauche.


Figure : Structure des deux énantiomères du [2H]-éthyle tosylate, synthétisés et caractérisés dans cette étude.


En conclusion, cette étude a permis d’obtenir de façon séparée, via une synthèse performante, les deux énantiomères d’une sonde chirale non radioactive, avec un excès énantiomérique élevé. Plus facile à manipuler que les sondes radioactives, cette sonde sera utile pour étudier des enzymes comme les alkyle-transférases. La compréhension de leur mécanisme réactionnel est, en effet, essentielle pour le développement de nouvelles applications biocatalytiques et thérapeutiques. 


Contact chercheur : 

Sophie Feuillastre (Laboratoire de Marquage par le Tritium - LMT) : sophie.feuillastre@cea.fr


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