Pour pouvoir garder des souvenirs distincts d'événements similaires, notre cerveau opère un type de calcul neuronal appelé « séparation de motifs » (SM). Ce calcul sous-tend la discrimination mnésique, soit la faculté de rappeler des souvenirs spécifiques même lorsque les informations à mémoriser sont similaires entre elles. La SM est immature chez les jeunes enfants – ils rapportent généralement des récits de souvenirs « à gros grains », manquant de spécificité et de détails – et se met en place progressivement au cours de leur développement.
Comme pour beaucoup de processus mnésiques, l'activité de SM est localisée dans l'hippocampe. Plus précisément, l'hippocampe est constitué de différents sous-champs cellulaires (CA1-CA3, Gyrus Denté -DG- et subiculum) dont il a été montré, principalement chez l'animal, leur rôle dans l'activité de SM. L'activité de SM dépendrait de deux sous-champs hippocampiques particuliers, le DG et CA3. Toutefois, malgré son importance pour l'ontogenèse de la mémoire, les données concernant la maturation de la SM pendant l'enfance sont encore rares.
Dans une récente étude publiée dans Hippocampus (thèse d'Antoine Bouyeure), inscrite plus largement dans le projet MemoDev dirigée par Marion Noulhiane (équipe InDev, UNIACT/NeuroSpin et UMR NeuroDiderot), avec la participation de BAOBAB (NeuroSpin), les chercheurs ont utilisé une tâche de discrimination de la mémoire, un indicateur comportemental de la SM. Ils ont acquis les images du cerveau d'enfants sur le scanner IRM 3 T de NeuroSpin avec une méthodologie novatrice offrant la possibilité d'optimiser l'étude de l'hippocampe au cours de l'enfance. Ils ont segmenté manuellement les volumes des sous-champs hippocampiques d'une cohorte de 26 enfants âgés de 5 à 12 ans. Ils ont examiné l'association entre les volumes des sous-champs hippocampiques et la performance de discrimination de la mémoire.
Cette étude montre des différences de discrimination de la mémoire liées à l'âge, suggérant une maturation progressive et continue de cette capacité mnésique de la petite enfance à l'adolescence. De plus, elle met en évidence des associations distinctes entre l'âge et les volumes des sous-champs hippocampiques, suggérant des trajectoires de développement distinctes. Enfin, elle établit une relation entre la performance de discrimination de la mémoire et les volumes de CA3 et du subiculum. L'ensemble des résultats confirme le rôle de CA3 dans la discrimination de la mémoire, et suggère d'examiner de plus près le rôle du subiculum, un résultat novateur. Cette étude montre ainsi que les sous-champs de l'hippocampe contribuent de manière distincte à la séparation de motifs au cours du développement.
Contact Joliot :
Marion Noulhiane (marion.noulhiane@cea.fr)