Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Dépression et microbiote intestinal : le système endocannabinoïde fait le lien

Résultat scientifique | Métabolomique | Mécanismes moléculaires

Dépression et microbiote intestinal : le système endocannabinoïde fait le lien


​Une étude dirigée par l’institut Pasteur et impliquant le CEA-Joliot (DMTS-SPI) a montré, sur un modèle murin, qu’une modification du microbiote intestinal provoquée par un stress chronique s’accompagne de modifications du métabolome[1] qui induisent un défaut de la voie de signalisation des cannabinoïdes endogènes dans l’hippocampe, pouvant expliquer les troubles de l’humeur observés. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement des états dépressifs associés au stress.

Publié le 15 décembre 2020

​Le microbiote intestinal, ou flore intestinale, est considéré comme un organe à part entière. Non seulement il joue un rôle dans les fonctions immunitaires et métaboliques de l’organisme mais, depuis quelques années, il devient évident qu’il joue aussi un rôle dans le fonctionnement cérébral. De nombreuses études se penchent ainsi sur les liens entre déséquilibres du microbiote (dysbioses) et troubles psychiques. Parmi ceux-ci, la dépression touche plus de 300 millions de personnes et constitue la principale cause d’invalidité dans le monde.

Dans cette étude, les chercheurs ont disséqué le lien entre les troubles dépressifs et les altérations du microbiote intestinal, chez la souris. Pour cela, ils ont transplanté à des souris naïves le microbiote de souris saines ou présentant des troubles de l’humeur induits par un léger stress chronique. Puis, ils ont étudié chez ces souris, le microbiote et le métabolisme des acides gras polyinsaturés par SFC-MS[2] (contribution du DMTS-SPI) ainsi que la neurogenèse dans l’hippocampe, une région cérébrale fortement impliquée dans le développement des symptômes dépressifs.

Les résultats obtenus montrent que les symptômes des souris stressées (diminution de la neurogenèse dans l’hippocampe et troubles de l’humeur) peuvent être transférés à des souris receveuses naïves par transplantation de microbiote fécal. L'analyse métabolomique révèle que les souris receveuses possèdent un métabolisme des acides gras altéré, caractérisé par des déficits en précurseurs lipidiques des cannabinoïdes endogènes[3], qui entraînent une altération de l’activité du système endocannabinoïde dans le cerveau (figure). Les effets indésirables de ce transfert de microbiote peuvent être atténués par l’augmentation du taux de cannabinoïdes endogènes via le blocage pharmacologique des enzymes qui les dégradent ou par la complémentation du régime alimentaire avec un précurseur des cannabinoïdes endogènes. Enfin, l’étude montre que le stress léger chronique induit chez les souris une dysbiose du microbiote intestinal caractérisée par une diminution de l'abondance des lactobacilles, également observée chez les souris receveuses. Une complémentation du régime des souris stressées avec une souche de lactobacille permet d’augmenter à la fois le taux cérébral de cannabinoïdes endogènes et la neurogenèse hippocampique, atténuant ainsi les troubles de l’humeur.

© Institut Pasteur / Pascal Marseaud, avec leur aimable autorisation


En conclusion, ces observations suggèrent fortement que le lien entre la dysbiose du microbiote et les troubles de l'humeur réside dans le système endocannabinoïde. De plus, cette étude soutient le concept selon lequel les interventions diététiques ou probiotiques pourraient être des leviers efficaces dans l'arsenal thérapeutique pour lutter contre les syndromes dépressifs associés au stress.


[1] Le métabolome est l'ensemble des métabolites d'un échantillon biologique donné.
[2] SFC-MS, chromatographie supercritique couplée à la spectrométrie de masse
[3] Les cannabinoïdes endogènes sont des dérivés d'acide gras.


Haut de page

Haut de page