Dans le noyau des cellules eucaryotes, les molécules d'ADN sont fortement compactées sous forme de chromatine, constituée d'unités élémentaires, les nucléosomes, eux-mêmes formés d'un long segment d'ADN enroulé autour d'un cœur de 8 protéines d'histones. Les nucléosomes contrôlent l'accessibilité de l'ADN en s'associant et se dissociant le long des génomes et, ce faisant, sont directement impliqués dans la plupart des processus nucléaires, tels que la transcription en ARN et la réparation de l'ADN. Aujourd'hui, il est communément admis que les nucléosomes sont organisés au niveau des régions actives (gènes, promoteurs, "enhancers") et distribués aléatoirement dans le reste du génome. En dépit d'intenses efforts visant à cartographier leur positionnement à l'aide de données de séquençage de nouvelle génération (NGS), le(s) mécanisme(s) à l'origine de leur organisation collective le long du génome demeure incompris.
Dans cette étude, les chercheurs ont analysé les profils génomiques de positionnement de l'ensemble des nucléosomes qui couvrent chaque gène codant (régions transcrites) de la levure Saccharomyces cerevisiae en classant ces gènes selon leurs similarités et différences grâce à un coefficient de corrélation entre les profils de positionnement des nucléosomes le long de chaque gène. Le résultat de cette classification a été représenté dans un espace créé à partir d'une analyse en composantes principales fonctionnelles de ces mêmes profils. L'avantage de cette stratégie d'analyse, comparée aux méthodologies existantes, est qu'elle tient compte aussi bien des détails du positionnement individuel des nucléosomes, que de l'effet global de chaque nucléosome qui couvre un gène. La distribution en nucléosomes a été étudiée dans 16 souches de levure, l'une sauvage et les autres déficientes en différents complexes remodeleurs de la chromatine, dont certains connus pour intervenir dans la formation de régions appauvries en nucléosomes (Nucleosome Depleted Region, NDR), favorables à l'initiation de la transcription (voir actu Joliot). Les souches ont été comparées en décomposant les signaux NGS en leurs fonctions descriptives principales, tout en conservant les détails spécifiques à la position de chaque nucléosome, et en considérant l'arrangement des nucléosomes dans leur ensemble. En intégrant dans leur analyse d'autres propriétés génomiques, telles que la taille des gènes et la longueur de la région appauvrie en nucléosomes (NDR), les auteurs ont identifié des facteurs clés influençant la distribution des nucléosomes. Ils montrent en particulier que le remodeleur de la chromatine (Remodels the Structure of Chromatin, RSC) est indispensable pour le découplage de l'arrangement régulier des nucléosomes à l'intérieur d'un gène, comparé à leur structure désordonnée dans les régions inter-géniques. Ils observent également que, dans une souche déficiente pour la protéine de remodelage de la chromatine Chd1, le positionnement des nucléosomes est corrélé avec la présence de l'ARN polymérase II.
L'ensemble de ces résultats suggère que les remodeleurs de la chromatine organisent les nucléosomes i) à un niveau global, qui définit des zones codantes où le positionnement individuel de chaque nucléosome est modulé par la distribution des autres nucléosomes de cette zone, ii) à un niveau local, qui tend à individualiser le positionnement de chaque nucléosome. L'équilibre entre ces deux niveaux d'organisation est nécessaire au maintien de l'intégrité du génome et au bon fonctionnement des processus nucléaires.
Contact: Arach Goldar arach.goldar@i2bc.paris-saclay.fr