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Diagnostic et thérapies innovantes

Cirrhose décompensée : implication du métabolisme des acides aminés dans l’inflammation systémique


​Une étude européenne impliquant des chercheurs du CEA-Joliot fournit la première vue d’ensemble des acides aminés circulant dans le sang de patients atteints de cirrhose décompensée et conclut à une forte redistribution de leur métabolisme en vue de fournir le carburant nécessaire à la réponse inflammatoire intense observée chez ces patients. 

Publié le 14 décembre 2020

​Plusieurs équipes de recherche et de clinique européennes, dont le LEMM (DMTS/CEA-Joliot), mutualisent leurs efforts au sein de deux consortiums, MICROB-PREDICT et DECISION4LIVER, pour mieux prendre en charge les personnes atteintes de cirrhose décompensée (les personnes ne sont plus capables de compenser le dysfonctionnement de leur foie), voire d’une forme très sévère, l’ACLF (Acute‑on‑Chronic Liver Failure). L’ACLF touche environ 30% des patients hospitalisés pour une cirrhose décompensée et est associée à une mortalité élevée (>20% à 28 jours). Elle est caractérisée par une inflammation systémique intense et la défaillance d’un ou plusieurs organes ou systèmes (foie mais aussi reins, cerveau, système circulatoire et système respiratoire). Les deux consortiums, coordonnés par la Fondation européenne pour l’étude de la défaillance chronique du foie (EF-CLIF), sont nés du constat d’une très forte hétérogénéité dans le développement et l’évolution de la maladie et de l’hypothèse que des prédispositions génétiques et/ou des infections peuvent augmenter le risque de cirrhose décompensée et aggraver le pronostic

Parmi les pistes explorées pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques et à terme découvrir des marqueurs spécifiques et identifier de futures cibles thérapeutiques, certaines équipes des consortiums s’attachent à déterminer les changements d’ordre métabolique associés à l’inflammation systémique dans l’ACLF. Dans une étude parue en 2019, ces équipes, dont celle du LEMM, avaient déjà mis en évidence, grâce à des données de métabolomique, une activation de la voie du tryptophane chez les patients atteints de cirrhose décompensée (cf. actu 2019). Dans une étude publiée en 2020 (Moreau et al, J Hepatol 2020), l’analyse du métabolome de 831 personnes atteintes d’une cirrhose décompensée accompagnée ou non de complications aiguës (ACLF) a montré qu’il existait une signature métabolique constituée de 38 composés s’accumulant spécifiquement dans le sérum des patients atteints d’ACLF. La nature même de ces composés suggère que les mécanismes responsables de la défaillance d’organes dans l’ACLF seraient proches de ceux responsables du sepsis, avec notamment une inhibition forte de la production d’énergie dans les mitochondries. 

Dans une nouvelle étude publiée également dans the Journal of Hepatology, les chercheurs s’intéressent plus particulièrement aux acides aminés circulant dans le sang des patients atteints de cirrhose décompensée aiguë, en particulier chez ceux atteints d'ACLF. L’analyse a été faite sur des données issues de l’étude mentionnée ci-dessus.  Les résultats montrent que les deux populations de patients cirrhotiques présentent des caractéristiques de catabolisme intense des muscles squelettiques entraînant la mobilisation d'acides aminés à des fins anaboliques et cataboliques. Chez les patients atteints d'ACLF, les acides aminés seraient utilisés en même temps que le glucose pour une synthèse de novo accrue de nucléotides et de protéines, vraisemblablement dans le système immunitaire inné activé. Finalement, comme si tout le système était reprogrammé pour fournir le carburant nécessaire à la réponse inflammatoire systémique intense. Autre observation chez les patients ACLF : la cétogenèse – voie métabolique des cellules hépatiques pour produire des « corps cétoniques » utilisés par les muscles comme source d’énergie – semble être défectueuse ou inhibée. Le catabolisme des acides aminés cétogènes substrats de la cétogenèse semble très prononcé. Enfin, les chercheurs ont constaté que les taux sanguins de spermidine sont significativement diminués. Cette polyamine exercerait entre autre un rôle d’inducteur de l’autophagie, mécanisme de recyclage cellulaire essentiel dans à la réponse immunitaire. La diminution des taux sanguins de spermidine pourrait ainsi contribuer au phénotype pro-inflammatoire des patients ACLF.

L’étude conclut sur l’intérêt d’évaluer dans le futur le bénéfice potentiel de certains apports nutritionnels (corps cétoniques, polyamine…) pour diminuer l’inflammation systémique et restaurer la fonctionnalité de plusieurs organes chez les patients ACLF. 


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