Le trouble
bipolaire, un trouble psychiatrique qui touche près de 1% de la population
mondiale, s’exprime chez les patients par la succession d’épisodes de
dépression et d’épisodes maniaques, c’est à dire d’excitation pathologique. Les
recherches utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont montré une
diminution de la substance grise dans certaines régions du cerveau des
patients, en particulier les régions associées à la régulation des émotions
comme le cortex frontal.
Le lithium
est utilisé comme traitement du trouble bipolaire depuis le début du XXème
siècle. Des études cliniques récentes utilisant l’IRM, menées dans le cadre de
projets d’envergure internationale, ont montré que les patients souffrant de
trouble bipolaire et traités par le lithium semblaient avoir une préservation
du volume de matière grise cérébrale, par comparaison avec des patients prenant
d’autres traitements. Ces résultats suggèrent que le lithium aurait une action
protectrice au niveau de la matière grise, voire pourrait stimuler sa
croissance. Cependant, les techniques d’IRM utilisées dans ces études ne
permettent pas de comprendre quels sont les changements cellulaires associés
aux variations de volume de matière grise mesurées.
L’observation
par IRM de diffusion du déplacement erratique des molécules d’eau dans le
cerveau (communément appelé processus de diffusion) permet aujourd’hui de
cartographier la structure du cerveau à l’échelle microscopique
(microstructure). En effet, le déplacement dans le cerveau des molécules d’eau
est largement dépendant de l’organisation cellulaire du tissu étudié et
l’utilisation d’un modèle mathématique nommé NODDI permet d’analyser les
données d’IRM de diffusion pour déterminer la microstructure du tissu étudié.
Dans le
cadre d’une collaboration impliquant NeuroSpin (CEA-Joliot), l’Inserm,
l’Institut Pasteur, la Fondation FondaMental, les Hôpitaux Universitaires Mondor
et le Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, cette approche a été
utilisée pour caractériser les propriétés microscopiques de la substance grise
de 41 patients souffrant d’un trouble bipolaire et les comparer à celles de 40 sujets
sains (figure).
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Exemple de cartographie de la
microstructure cérébrale. Les couleurs (du bleu vers le
rouge) représentent l’importance croissante de la densité dendritique. © C. Poupon, S. Sarrazin, J. Houenou. |
Les
résultats obtenus montrent que les patients traités par le lithium présentent
un indice mesurant la densité des dendrites** (figure), augmenté dans la région
frontale par comparaison aux patients ne prenant pas de lithium. La densité
dendritique de la région frontale semble être identique chez les sujets sains
et chez les patients traités par lithium alors qu’elle reste inférieure chez les
patients non traités par lithium.
Cette
étude confirme que la prise régulière de lithium est associée à une
préservation de la matière grise. De plus, l’utilisation du modèle mathématique
NODDI, permet, pour la première fois, d’en préciser l’origine à l’échelle
microscopique. Ces résultats nécessitent d’être reproduits mais ils suggèrent
qu’une amélioration de la plasticité du cerveau et de la communication entre neurones dans la région frontale pourrait
sous-tendre les effets thérapeutiques du lithium dans le trouble bipolaire.
*: NODDI, Neurite Orientation Dispersion and Density Imaging
** : les dendrites sont des
prolongements des corps cellulaires des neurones recevant l’information
transmise par leurs voisins. A gauche, un neurone à faible densité dendritique, à droite un neurone à forte densité dendritique.
Adapté de Servier Medical ART
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Ce travail a fait l'objet d'un
communiqué de presse.