Des chercheurs du SHFJ (IMIV), en collaboration avec l'université de Vienne, ont étudié le transport cérébral d'un médicament, le métoclopramide. Grâce au radiomarquage du métoclopramide au carbone-11 et à l'imagerie TEP, ils ont montré qu'un transporteur de la barrière hémato-encéphalique, la P-glycoprotéine, bloquait non seulement l'entrée du médicament dans le cerveau mais en favorisait l'élimination vers le sang. Ce résultat met en évidence pour la première fois in vivo et de manière non invasive, un système de détoxification capable d'éliminer certains composés du cerveau.
La barrière hémato-encéphalique (BHE) est la principale surface d'échange entre le sang circulant et le cerveau, dont le rôle est de limiter l'entrée de molécules potentiellement toxiques dans le tissu cérébral. Pour agir sur leurs cibles cérébrales, les médicaments à visée neurologique doivent littéralement traverser cette BHE. Seulement, les cellules qui la constituent sont particulièrement jointives, ce qui limite le passage cérébral de très nombreux composés. De plus, ces cellules expriment des transporteurs de la famille des ABC-protéines (ATP-binding cassette) qui constituent un obstacle supplémentaire au franchissement de la barrière: la P-glycoprotéine (P-gp) par exemple, empêche le passage cérébral de très nombreuses molécules par un mécanisme de transport d'efflux sélectif.
La BHE constitue donc un système de barrière à la fois physique et fonctionnelle qui protège le tissu cérébral. Il en résulte de grandes difficultés à développer de nouveau médicaments capables de la franchir et donc de soigner les maladies neurologiques, psychiatriques ou les cancers cérébraux.
Des études récentes ont montré que certains médicaments à visée neurologique produisaient leurs effets neurologiques malgré un transport actif par la P-gp in vitro. Dans ce cas, la P-gp ne semble pas totalement jouer son rôle bloquant et pourrait ainsi contribuer à moduler les effets centraux des médicaments concernés. Le métoclopramide, par exemple, est un médicament antiémétique (contre les nausées et vomissements) bien connu. C'est un substrat de la P-gp qui présente tout de même des effets indésirables centraux importants chez l'Homme, comme par exemple des troubles pseudo-parkinsoniens.
Dans cette étude publiée dans The Journal of Nuclear Medicine, les chercheurs du SHFJ ont radiomarqué le métoclopramide au carbone-11 pour en étudier par imagerie TEP la cinétique cérébrale de manière non-invasive. La modélisation pharmacocinétique des données d'imagerie montre que la P-gp limite le passage cérébral du 11C-métoclopramide de façon relativement modeste, ce qui était plutôt attendu (figure et schéma, à gauche).
Ce qui l'était moins, c'est le fait que la P-gp semble favoriser l'élimination du médicament du cerveau vers le sang circulant et diminuer ainsi l'exposition globale du tissu cérébral. Lorsque la protéine est inhibée, la distribution cérébrale du 11C-métoclopramide est nettement augmentée (figure et schéma, à droite).
Ainsi, grâce à l'imagerie TEP et de manière non invasive, les auteurs ont mis en évidence un système de détoxification capable d'éliminer activement certains composés du cerveau vers le sang.
L'imagerie TEP est une technique d'imagerie utilisable chez l'Homme et le 11C-métoclopramide fait d'ores-et-déjà l'objet d'une étude clinique en collaboration avec l'université de Vienne (Autriche). Ce projet translationnel illustre parfaitement l'intérêt des techniques d'imagerie pour mieux comprendre le rôle et l'importance des transporteurs sur la distribution tissulaire des médicaments chez l'Homme. Ces approches émergentes ont fait l'objet d'un article de revue publié récemment dans Pharmacology & Therapeutics.
Contact chercheur : Nicolas Tournier nicolas.tournier@cea.fr