Les produits naturels de nature peptidique, tels les cyclodipeptides, représentent une source inégalée de molécules bioactives. Un large champ de recherche en santé est consacré à l'optimisation des activités pharmacologiques de ces peptides bioactifs, pour la mise au point de nouveaux médicaments. Une approche de choix pour conduire cette optimisation est de remplacer les acides aminés, qui sont les briques élémentaires naturelles des peptides considérés, par des briques artificielles, à savoir des analogues non naturels d'acides aminés.
Les synthases de cyclodipeptides (CDPS), une famille d'enzymes découverte en 2009 par les mêmes chercheurs, catalysent la formation d'une grande variété de cyclodipeptides chez de nombreuses espèces, en général des microorganismes, en piratant la machinerie cellulaire de synthèse des protéines. En effet, les CDPS détournent à leur profit des acides aminés chargés sur des ARN de transfert (ARNt), molécules normalement dévolues aux ribosomes, pour les assembler en cyclodipeptides (Figure, voie de gauche). L'équipe de Muriel Gondry a décidé de leurrer à la fois la machinerie de synthèse des protéines et les CDPS, en fournissant des acides aminés non naturels à l'hôte producteur (Figure, voie de droite). Les chercheurs ont ainsi testé l'incorporation, par une trentaine de CDPS différentes, de 60 acides aminés non naturels « chargeables » sur des ARNt et ils ont pu produire 198 cyclodipeptides artificiels contenant des atomes de fluor, des groupements hydroxyles ou méthyles et même un groupement azido qui a l'intérêt d'être compatible avec de la chimie « click ».
Ces résultats démontrent que des approches biotechnologiques peuvent donner accès à une large diversité de cyclodipeptides artificiels. Cette diversité pourra être encore étendue en effectuant une ingénierie des voies de biosynthèse des cyclodipeptides, c'est-à-dire en introduisant par exemple des enzymes capables de modifier chimiquement des cyclodipeptides directement dans l'hôte producteur.