Ce qui est déjà connu
La protéine BAF (Barrier-to-Autointegration Factor) est une protéine hautement conservée qui a la capacité de se lier à l'ADN et à des protéines de l'enveloppe nucléaire. Plusieurs études suggèrent un rôle important de BAF dans l'organisation de la chromatine et l'intégrité du génome. Sa localisation et sa fonction sont régulées par la phosphorylation. Des chercheurs de l'équipe « Enveloppe nucléaire, télomère et réparation de l'ADN » (B3S/I2BC) s'intéressent à cette protéine et particulièrement à ses mécanismes d'interactions avec ses partenaires protéiques (lamine, émerine) ou nucléiques. Dans une étude précédente (actualité du 29 mars 2021 « La phosphorylation de BAF altère sa dynamique et son interaction avec l'ADN mais pas ses contacts avec l'enveloppe nucléaire »), les chercheurs ont montré que la phosphorylation mitotique de BAF rigidifie la structure de sa région N-terminale, et entraine sa dissociation de l'ADN mais pas sa liaison aux protéines émerine et lamine.
La simulation de dynamique moléculaire pour aller plus loin
Dans une nouvelle étude, publiée dans le
Journal of Molecular Biology, l'équipe a utilisé la simulation de dynamique moléculaire pour étudier à l'échelle atomique les conséquences de la phosphorylation sur la conformation et la dynamique de BAF. Grâce aux moyens de calcul du TGCC (Très Grand Centre de Calcul du CEA), ces auteurs ont pu concevoir un protocole de simulation de dynamique moléculaire (MD) avec de multiples simulations de longue durée (microsecondes), chaque trajectoire étant caractérisées par la convergence de l'entropie conformationnelle de la protéine simulée afin de s'assurer de la complétude des ensembles analysés. Ce protocole robuste a permis de montrer que la flexibilité intrinsèque observée dans la région N-terminale de BAF était réduite par la phosphorylation du résidu S4 et dans une plus large mesure par la di-phosphorylation des résidus S4 et T3. Grâce à la description atomique offerte par la simulation numérique soutenue par l'étude RMN de plusieurs mutants de BAF, nous avons pu détailler la mécanique de cette restriction et décrire précisément le réseau dynamique d'interactions responsable de la restriction conformationnelle impliquant les résidus phosphorylés pS4 et pT3. Nous avons également montré que la flexibilité de la région N-terminale de BAF était influencée par la force ionique et le pH et le rôle essentiel des charges négatives portées par les groupes phosphoryles pour une diminution substantielle de la flexibilité.
Ainsi, la conformation de la région N-terminale intrinsèquement désordonnée de BAF apparait hautement ajustable, probablement en liaison avec ses diverses fonctions. Cette étude montre également l'apport de la simulation numérique dans le contexte de la biologie structurale pour l'étude de l'effet des modifications post-traductionnelles sur la structure et la dynamique des protéines.
Contact Joliot :
Cette actualité est une adaptation et une traduction de l'actualité publiée sur le site de l'I2BC en décembre 2022, avec l'aimable autorisation de l'I2BC : "How Molecular Dynamics simulation and NMR show the effect of phosphorylation and pH on the conformational regulation of the intrinsically desordered N-terminal region of Barrier-to-Integration factor (BAF) at the atomic scale"