En France, la
buprénorphine est prescrite comme
traitement de substitution aux opiacés. Avec des effets plus limités que les autres opiacés sur le système respiratoire, elle est
moins susceptible d’engendrer une mort par overdose.
Une combinaison dangereuse
Des décès et des
épisodes de dépression ventilatoire sont cependant rapportés,
particulièrement lorsqu’elle est associée aux benzodiazépines, une autre classe de psychotropes qui, pris seuls, ne provoquent pas de dépression respiratoire. Quel type d’interaction entre les deux substances conduisent à cette potentialisation ?
Pour y répondre, des chercheurs de BioMaps (Département SHFJ) et de l’Unité UMR-S 1114 ont étudié chez le rat les effets de l’administration simultanée de buprénorphine et de diazépam (une benzodiazépine) sur différents paramètres respiratoires (analyse des gaz du sang artériel, pléthysmographie[1], électromyographie[2] du diaphragme) et sur la fixation de la buprénorphine dans le cerveau (par imagerie TEP).
Dans leur étude publiée dans le
British Journal of Anaesthesia, les chercheurs montrent d’abord que l'administration simultanée de diazépam et de buprénorphine provoque une sédation et une dépression respiratoire précoces. Ils observent
in vivo, par
imagerie TEP (avec de la buprénorphine marquée au carbone 11), que les benzodiazépines ne provoquent
pas d’augmentation du passage de la buprénorphine dans le cerveau. Elles ne sont pas non plus responsables d’une
plus forte interaction entre la buprénorphine et son récepteur. La potentialisation observée n’est donc pas due à une action directe du diazépam sur le comportement de la buprénorphine dans l’organisme.
Plusieurs paramètres respiratoires étudiés ne sont pas affectés de la même manière selon que l’animal reçoit une injection de buprénorphine, de diazépam ou des deux à la fois. Par exemple, l’injection de buprénorphine augmente la contraction diaphragmatique, ce qui témoigne de l’existence d’un mécanisme de compensation respiratoire. A l’inverse, l’injection de diazépam diminue la contraction du diaphragme. Surtout, l’injection des deux molécules la diminue encore plus.
L’étude sous-tend que le mécanisme à l’origine de la dépression respiratoire suite à la co-administration de benzodiazépine et de buprénorphine résulterait de l'action combinée de chaque médicament sur sa cible : le mécanisme de compensation respiratoire propre à la buprénorphine serait spécifiquement bloqué par les benzodiazépines.
Contact checheur CEA-Joliot :
Nicolas Tournier (nicolas.tournier@cea.fr)
[1] Plétysmographie : mesure de volumes, ici respiratoires
[2] Electromyographie : mesure de l’activité des muscles, ici respiratoires