Théories de la conscience
Quel est l'ensemble minimal d'événements et de mécanismes neuronaux suffisant pour une perception consciente spécifique ? Au cours des dernières décennies, des progrès importants ont été réalisés dans la compréhension des corrélats neuronaux de la conscience (NCC). Mais les mécanismes et les régions spécifiques du cerveau qui sont impliqués dans la perception consciente font encore l'objet de débats. Plus précisément, quelle est l'implication potentielle du cortex préfrontal (CPF) ? Selon la théorie du Global Neuronal Workspace (GNW), les neurones du CPF devraient encoder, à tout moment, les détails de l'expérience consciente en cours. Mais d'autres théories affaiblissent son rôle. Par exemple, la théorie de l'intégration de l'information (IIT) stipule que le complexe majeur codant l'expérience perceptive devrait être principalement situé dans les zones postérieures. Dans ce cas, la modulation préfrontale refléterait une conséquence plutôt qu'un corrélat direct de l'expérience consciente.
Paradigme expérimental
Une équipe d'UNICOG (département NeuroSpin) a mis en place une expérience afin de décrypter le rôle du CPF dans la perception consciente. Deux primates non-humains, qui sont de bons modèles pour étudier les processus de conscience, ont participé à cette expérience. Ils n'avaient jamais été entraînés auparavant à rapporter leur perception des stimuli. Les chercheurs ont enregistré l'activité de l'ensemble des neurones lors de stimuli visuels brièvement présentés :
- soit dans des essais isolés au cours desquels les stimuli étaient clairement perçus ;
- soit dans des séquences très rapides de présentation visuelle (RSVP) dans lesquelles la perception et le traitement post-perceptuel étaient « challengés », car il est impossible pour un sujet humain de reporter tous les stimuli présentés.
L'étude fournit des preuves que les représentations neuronales au niveau du CPF ventro-latéral sont riches et se produisent peu après l'apparition du stimulus. L'identité de chacune des images présentées peut être décodée à partir de l'activité de la population de neurones du CPF, à des échelles de temps qui correspondent au moment où les calculs d'anticipation sont encore en cours dans la plupart des zones visuelles. Le décodage des images est également possible durant les expériences de type RSVP, même lorsque les images sont présentées en flux de 10 images par seconde, une vitesse à laquelle l'accès conscient et le traitement post-perceptuel sont mis au défi.
La précision du décodage de chaque stimulus consécutif, à son maximum, était de la même ampleur pendant le RSVP que lorsque le même stimulus était présenté de manière isolée et clairement visible. Par conséquent, l'encodage des informations visuelles dans le CPF ventrolatéral peut se produire avant les processus post-perceptuels (c'est-à-dire la réflexion sur le stimulus visuel présenté) et avant l'accès à la conscience. Lorsque les stimuli ont été présentés de manière isolée, un code stable et soutenu a émergé après le pic d'information maximale à 150 ms. Cette représentation stable est compatible avec les corrélats neuronaux de la conscience dans la théorie du GNW. Il est intéressant de noter que la condition RSVP n'a pas complètement aboli cette activité soutenue mais l'a seulement raccourcie et réduite de manière significative. Les stimuli RSVP pourraient être perçus consciemment, mais trop faiblement pour constituer une mémoire à court terme qui persisterait suffisamment longtemps pour être rapportée ultérieurement dans son intégralité. Une autre possibilité est que les stimuli RSVP ne soient pas tous perçus consciemment pendant leur représentation : l'impression de les voir tous serait, en partie, une illusion, une conséquence de notre capacité à accéder consciemment à l'un d'entre eux par la suite. Le code neuronal transitoire observé correspondrait à ce qui a été appelé une représentation "pré-consciente". D'autres études, incluant des rapports comportementaux, pourraient contribuer à affiner les théories de la conscience.
Il est intéressant de noter que ces données indiquent que les populations neuronales du CPF codent de manière fiable les stimuli visuels, même dans des conditions dont il a été démontré qu'elles remettent en cause la perception consciente et/ou réduisent considérablement la probabilité d'un traitement post-perceptif chez l'homme.
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