Les chimistes du SCBM poursuivent leurs efforts dans l’exploration de voies de marquage des molécules organiques, pour les rendre plus simples, plus rapides et plus respectueuses de l’environnement.
Au commencement, une approche bioinspirée...
En collaboration avec le
NIMBE (CEA-IRAMIS), ils ont découvert une nouvelle stratégie de marquage comportant un échange isotopique du carbone (JACS 2019, lire l’actualité « Du CO2 et du cuivre pour marquer des produits pharmaceutiques au carbone » publiée en janvier 2019). Cette approche novatrice leur a été inspirée par une enzyme capable d’enlever réversiblement à son substrat une molécule de dioxyde de carbone. La méthode permet, dans une même réaction, la rupture d’une liaison C-12C et la formation d’une nouvelle liaison C-14C (14C = isotope radioactif du carbone) tout en gardant la structure originale du médicament. Cette première preuve de concept demandait l’utilisation d’un catalyseur au cuivre et des températures élevées.
... puis du chauffage...
En 2020, une nouvelle méthode a été développée par le SCBM[1], permettant de faire un échange de
12CO2 par du
14CO2 par simple chauffage, sans catalyseur (Angewandte Chemie, voir l’actualité « Marquage au carbone 14 d’anti-inflammatoires avec du CO2 » publiée en mai 2020). Cette méthode s’adaptait à une famille d’acides carboxyliques, les acides phényl acétiques, présents dans les anti-inflammatoires non stéroïdiens, tels que l’ibuprofène et le ketoprofène. Cette deuxième méthode demandait toujours des températures élevées de l’ordre de 150 à 190 °C.
... remplacé par de la lumière
Dans l’objectif de rendre ce processus plus doux et plus pratique, les chercheurs du SCBM ont exploré en 2021 l’utilisation de la photochimie : un catalyseur organique (c’est à dire ne portant pas de métaux) activé par une lumière devrait leur permettre de réaliser le même échange de CO2, à des températures bien moins élevées. Et effectivement, ils montrent dans ACS catalysis que, grâce à cette nouvelle technologie, l’ibuprofène peut être marqué par le carbone-14 en 3 heures à seulement 40 °C en utilisant le photocatalyseur 4CzIPN[2] activé par une lumière bleue (longueur d’onde 450 nm), ce qui augmente grandement la compatibilité de ces conditions réactionnelles avec les structures les plus complexes.
Ces méthodes de marquage isotopique du carbone de plus en plus douces devraient aider les laboratoires pharmaceutiques intéressés par marquer des molécules de la famille des acides phényl acétiques soit pour leur potentiel pharmaceutique (marquage carbone 14 pour mener des études cliniques avant leur mise sur le marché) soit pour leur développement comme traceur d’imagerie médicale (marquage carbone 11).
Financements européens Ces travaux ont été financés dans le cadre de l’ERC Consolidator Grant (ERC-COG-2019)
FASTLabEX, le FET-OPEN
FLIX et l'ITN
ISOTOPICS, coordonnés par le CEA.
[1] En collaboration avec le NIMBE (CEA-IRAMIS, UMR CEA/CNRS), Astra Zeneca et le Karolinska Instituet
[2] Le 4CzIPN est le nom abrégé du 2,4,5,6-Tetrakis(9H-carbzole-9-yl) isophthalonitrile, photocatalyseur qui a donné les meilleurs résultats pour cette étude.