Il existe dans la plupart des organismes des séquences d'ADN répétées et mobiles, capable de se déplacer au sein de leur génome. L’endroit où ces éléments transposables (TE) s’insèrent dans l’ADN détermine leur impact. Les nouvelles insertions peuvent contribuer à l’apparition de nouvelles fonctions cellulaires et ainsi à l’adaptation à long terme des organismes à différents environnements mais elles peuvent aussi représenter une menace pour l'intégrité des génomes en créant des mutations délétères. Chez l’Homme, plus d'une centaine de maladies héréditaires ont été attribuées à des insertions de novo de TEs. La distribution des TEs dans le génome est rarement aléatoire et résulte de l'équilibre entre deux processus. D’un côté, la sélection conduit à l'élimination des insertions fortement nuisibles et au maintien de celles qui sont bénéfiques. De l’autre, les TEs ont évolué et mis en place des mécanismes qui dirigent leur intégration dans des lieux "sûrs" du génome, où leurs insertions auront un effet négatif minimal sur l'organisme.
Des chercheurs de l’IRSL et de l’I2BC s’intéressent depuis plusieurs années à comprendre les mécanismes à l’origine de l’intégration ciblée des TEs dans le génome. Leurs études se concentrent sur Ty1, un rétrotransposon[1] de la levure Saccharomyces cerevisiae, qui s’intègre préférentiellement en amont des gènes transcrits par un complexe enzymatique, l’ARN polymérase III, spécialisé dans la synthèse d’ARN courts. Une précédente étude avait mis en évidence que l’intégration ciblée de Ty1 est dépendante de l’interaction entre deux protéines : IN1, l’intégrase codée par Ty1 lui-même, et AC40, une sous-unité commune aux complexes ARN polymérase III et ARN polymérase I.
Dans une nouvelle étude, publiée dans the EMBO Journal, les chercheurs identifient la courte séquence de IN1 qui interagit avec AC40. L’interaction entre ce domaine de IN1 et AC40 permet le recrutement de IN1 sur les gènes transcrits par les ARN polymérases I et III. En revanche, elle ne permet l’intégration de Ty1 qu’en amont des gènes transcrits par l’ARN polymérase III. L’introduction de cette séquence dans l’intégrase du rétrotransposon Ty5 – qui s’insère normalement dans les régions subtélomériques – dirige l’intégration de Ty5, comme celle de Ty1, en amont des gènes transcrits par l’ARN polymérase III.
Au-delà de l’avancée pour la recherche fondamentale, cette étude pourrait aider à l’amélioration de vecteurs rétroviraux utilisés en thérapie génique pour transférer des gènes au sein des cellules. Ces vecteurs s’intègrent souvent dans des régions riches en gènes où ils peuvent avoir des effets mutagènes. De nouveaux vecteurs rétroviraux pourraient être conçus en s’inspirant de l’interaction entre IN1 et AC40 pour cibler leur intégration en amont des gènes transcrits par l’ARN polymérase III, et limiter potentiellement les risques mutagènes.
Contact Institut :
Joël Acker (joel.acker@cea.fr)
Une courte séquence d'IN1 interagit avec AC40, la sous-unité commune des ARN polymérases Pol I et Pol III. Cette interaction dirige le recrutement d'IN1 vers tous les gènes transcrits par Pol I et Pol III. Elle cible l'intégration de Ty1 uniquement aux gènes transcrits par Pol III. Le remplacement du domaine de ciblage de l'intégrase du rétrotransposon Ty5 par ce motif redirige l'intégration de Ty5 des régions télomériques vers celles en amont des gènes transcrits par Pol III. © A. Asif-Laidin et al.
[1] Les rétrotransposons se répliquent par l’intermédiaire d’un ARN.