Le langage est un trait unique de l'espèce humaine, dont l'architecture génétique reste largement inconnue. Des études sur des cas isolés présentant des troubles du langage ont permis d'identifier des gènes candidats. Cependant, il est peu probable que seuls quelques gènes soient à l'origine du langage, processus complexe et multifactoriel. A l'instar de la taille ou de l'indice de masse corporelle, le langage serait plutôt associé à de nombreux gènes, interagissant les uns avec les autres et contribuant à la mise en place des voies neuronales impliquées dans son développement. Ainsi, les études cas-témoins souffrent d'un manque de puissance statistique et peinent à découvrir des marqueurs génétiques significativement associés au langage.
En parallèle des études génétiques, la neuro-imagerie et en particulier l'IRM fonctionnelle de tâches cognitives (IRMfT) a contribué de manière significative à la compréhension des aspects structurels et fonctionnels du langage dans le cerveau humain. Plus récemment, de nombreuses études ont démontré la pertinence de l'IRM fonctionnelle de l'état de repos (IRMfR), dont l'acquisition est plus aisée, pour étudier les processus cognitifs. En effet, la carte des connectivités fonctionnelles (CF) obtenue par cette technique récapitule les réseaux des différents processus cognitifs dont le langage. La mise à disposition de données d'IRMfR et de données génétiques dans des cohortes à grande échelle, comme la UK Biobank, a apporté une nouvelle dimension à l'étude des facteurs génétiques du langage.
Dans la présente étude, pour analyser l'architecture génétique de la connectivité fonctionnelle du langage, les chercheurs ont réalisé, chez 32 186 participants de l'UK Biobank, une analyse d'association pangénomique multivariée entre les variations génétiques et la connectivité fonctionnelle au repos de 25 aires cérébrales classiques du langage, extraites d'une méta-analyse de 129 études d'IRMf de tâches langage. Trois cents CF ont été calculées entre toutes les paires des régions considérées. Parmi celles-ci, 142 se sont avérées significativement héritables et ont été prises en compte pour l'étude ultérieure d'association multivariée. Vingt loci génomiques ont été trouvés associés aux CF du langage. Parmi eux, le gène EPHA3, putativement impliqué dans la dyspraxie, la dyslexie et les troubles spécifiques du langage se trouve associé au réseau sémantique fronto-pariéto-temporal. Le gène THBS1, impliqué dans la synaptogenèse, la prolifération et la différenciation des cellules progénitrices neurales est associé à l'interaction perceptivo-motrice requise pour le langage. Enfin, le gène PLCE1 joue potentiellement un rôle dans le réseau auditif-moteur fronto-temporal bilatéral.
Grâce à une approche multivariée, les chercheurs ont étudié le langage à partir de données de la plus grande cohorte d'imagerie-génétique à ce jour, sans scores cognitifs relatifs au langage, ni IRMf de tâche orientée langage. Ils ont mis en évidence de potentiels gènes clés liés au langage qui pourraient apporter de nouvelles perspectives sur la neurobiologie de ce processus complexe.
Les connectivités fonctionnelles (CF) représentent les corrélations entre les signaux moyens d'IRMfR des régions considérées.
Pangénomique : étude de l'ensemble des gènes présents dans les individus d'une même espèce.
Voir également notre actualité d'avril 2021, une étude basée sur l'analyse de données d'UK Biobank.
Contact chercheur : Cathy Philippe cathy.philippe@cea.fr
Collaborations
- Département de Biologie Computationnelle, Institut Pasteur ;
- Groupe d'Imagerie Neurofonctionnelle, Institut des Maladies Neurodégénératives, UMR 5293, CEA - CNRS - Université de Bordeaux ;
- Basque Center on Cognition, Brain and Language, San Sebastian, Spain