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Reprogrammation réussie d’une bactérie pour la production d’une famille de molécules bioactives


​Des chercheurs du SBIGEM en collaboration avec le SIMOPRO et le Laboratoire des Biomolécules (Sorbonne Université) ont réussi par des approches de biologie de synthèse à produire in vivo une classe particulière de cyclodipeptides qui intéresse les pharmaciens. Cette première a fait l’objet d’une publication dans Scientific Reports

Publié le 15 juillet 2019

​Les cyclodipeptides et leurs dérivés sont naturellement produits par des bactéries, des champignons, des plantes ou des animaux. Leurs fonctions au sein de ces organismes sont pour la plupart inconnues, mais certaines de leurs propriétés biologiques (antibactérien, antiviral, anticancéreux ou anti-inflammatoire) rendent ces molécules très attractives pour la pharmacopée. Des efforts sont déployés pour les produire, mais également pour enrichir le catalogue avec des dérivés non naturels via notamment des approches de biologie de synthèse.

​Diversité au sein d'un sous-goupe de cyclodipeptides,les dicétopipérazines indoliques prénylées. La structure chimique de trois dicétopipérazines indoliques prénylées est montrée. Le "noyau" du cyclodipeptide qui résulte de l'association de deux acides aminés est représenté en rose. Le groupe prényl est représenté en bleu. Les propriétés biologiques et l'espèce dont il est issu sont indiquées pour chacun des composés.

Depuis l’avènement du séquençage à haut débit et l’accès aux génomes de nombreux organismes, la connaissance des enzymes impliquées dans la biosynthèse des produits naturels est facilitée par l’identification de leurs gènes. C’est ainsi que l’équipe Enzymologie et Biosynthèse Peptidique Non Ribosomique du SBIGEM (I2BC – CNRS/CEA/Université Paris Sud) a largement contribué à la compréhension de la biosynthèse des cyclodipeptides et leurs dérivés. Cette équipe a découvert une voie originale de cette biosynthèse présente essentiellement chez les bactéries. Cette voie dépend des synthases de cyclodipeptides ou CDPS qui utilisent les acides aminés liés à des ARN de transfert pour fabriquer les cyclodipeptides. Dans ces voies de biosynthèse, les cyclodipeptides sont ensuite modifiés par d’autres enzymes qui ajoutent des fonctionnalités souvent responsables de propriétés biologiques remarquables.

Forte de sa connaissance des voies naturelles de biosynthèse des cyclodipeptides et de leurs dérivés, l’équipe, en collaboration avec le SIMOPRO (Institut Joliot) et le Laboratoire des Biomolécules (Sorbonne Université) a évalué la possibilité de synthétiser des cyclodipeptides naturels ou non par des approches de biologie de synthèse. Les chercheurs se sont concentrés sur un sous-ensemble de cette famille de composés contenant de nombreuses molécules bioactives, les dicétopipérazines indoliques prénylées. Ces molécules dérivent de cyclodipeptides contenant un résidu tryptophane et sont pour la plupart synthétisées par des champignons. Cependant, leur production est non maîtrisée et donne de mauvais rendements. Pour les biosynthétiser, les chercheurs ont choisi d’utiliser la bactérie Escherichia coli, véritable usine de laboratoire pour la production de molécules. Ils ont associé dans cette bactérie deux gènes, l’un codant une CDPS d’origine bactérienne et l’autre codant une transférase de prényle (PT) d’origine fongique qui catalyse la prénylation. De plus, ils ont modifié E. coli en intégrant sept autres gènes qui permettent d’augmenter la biodisponibilité du diméthylallyl diphosphate ou DMAPP, substrat de la transférase de prényle essentiel pour son activité. Au total, ils ont testé onze combinaisons CDPS/PT et ont analysé par HPLC[1] couplée à la spectrométrie de masse les composés produits par les bactéries. Pour huit de ces combinaisons, ils ont ainsi réussi à produire efficacement des dérivés indoliques prénylés dont la structure a été déterminée par spectroscopie RMN[2].

Ces travaux montrent pour la première fois qu’il est possible de biosynthétiser des dicétopipérazines indoliques prénylées en utilisant des bactéries E. coli. La biosynthèse est améliorée via l’ingénierie métabolique de la production de DMAPP. En plus de pouvoir s’étendre à l’utilisation d’autres enzymes, la méthode présente l’avantage de pouvoir récupérer facilement les molécules produites directement depuis le surnageant de la culture bactérienne. Cette stratégie est très prometteuse pour la découverte en général de nouveaux composés bioactifs.


[1]Chromatographie en phase liquide à haute performance
[2]Résonance magnétique nucléaire


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