La molécule Retro-2 a été découverte en 2010 par les équipes de
Daniel Gillet (SIMOPRO) et de
Jean-Christophe Cintrat (plate-forme de criblage moléculaire, SCBM). Financée par le programme interministériel de R&D contre les risques NRBCE, cette collaboration avait pour objectif de découvrir des inhibiteurs de toxines de plantes (ricine) et de bactéries (Shiga), potentiels agents de la menace biologique. Le mécanisme d'action de Retro-2 a été identifié, en collaboration avec l'équipe de Ludger Johannes (Institut Curie) : ce composé bloque le transport intracellulaire rétrograde des toxines, entre l'endosome précoce et le réseau transgolgien. En 2013 et 2014, les deux équipes du CEA ont décrit un analogue optimisé de Retro-2, Retro-2.1, 500 à 1000 fois plus puissant. Les années suivantes, il a été montré que les composés Retro-2 possèdent un spectre d'activité non restreint aux toxines. En effet, à l'instar de celles-ci, certains parasites, bactéries intracellulaires et virus, utilisant les voies de transport intracellulaire pour entrer dans les cellules et les infecter, sont inhibés par Retro-2.
Dans cette étude, les chercheurs montrent que Retro-2 inhibe le filovirus Ebola et son proche cousin le virus de Marburg, responsables de fièvres hémorragiques gravissimes, contre lesquelles il n'existe pas de thérapie efficace. De même, Retro-2 bloque l'entérovirus EV71, responsable de la maladie pied-main-bouche. Ce virus qui sévit en particulier en Asie et en Australie, en général bénin, peut causer des encéphalites graves chez les très jeunes enfants, contre lesquelles il n'existe pas de traitement spécifique.
Les molécules Retro-2 protègent les cellules contre une infection par les virus Ebola et Marburg avec une efficacité plus de 25 fois supérieure à celle du favipiravir, un antiviral testé chez les patients pendant l'épidémie de 2013. Elles protègent aussi les cellules contre une infection par le virus EV71 avec, pour Retro-2.1, une efficacité compatible avec un développement thérapeutique. De plus, Retro-2 est capable de protéger des souriceaux contre une dose mortelle de virus.
De manière surprenante, ces actions passent par un mécanisme différent de celui de l'inhibition des toxines. En effet, les molécules Retro-2 bloquent une étape tardive de l'entrée des filovirus dans le cytoplasme cellulaire, après passage dans les endosomes tardifs, un compartiment non ciblé en principe par ces molécules. Pour le virus EV71, elles semblent bloquer la libération de la progénie virale par les cellules infectées plutôt que l'entrée des virus dans la cellule (Figure), un mécanisme aussi retrouvé récemment dans le cas de l'inhibition par Retro-2 de l'infection par le virus de la vaccine.
En conclusion, ces travaux confirment et étendent le spectre antiviral des molécules de la famille Retro-2. Le mécanisme précis de cette action protectrice reste encore à élucider.