Le noyau des cellules eucaryotes est délimité par une enveloppe nucléaire, comprenant une double membrane lipidique et un grand nombre de protéines associées. Ces protéines sont responsables de la structure du noyau et contribuent aussi à l'organisation du génome. Certaines d'entre elles, comme l'émerine, une protéine ancrée dans la membrane interne nucléaire, ou les lamines, qui forment le nucléosquelette, sont mutées dans des maladies génétiques (myopathies, lipodystrophies, syndromes de vieillissement accéléré). Les mécanismes par lesquels des mutations dans des protéines aussi ubiquitaires causent des maladies aussi spécifiques restent inconnus. Dans ce contexte, il est primordial de disposer de données structurales sur l'enveloppe nucléaire.
Dans cette étude, les chercheurs ont voulu comprendre comment une protéine du nucléosquelette, la lamine A/C, entre en contact à la fois avec l'émerine, une protéine ancrée dans la membrane interne du noyau, et avec BAF, une protéine qui se lie à l'ADN. Pour cela, ils avaient précédemment déterminé par RMN la première structure 3D d'un domaine de la lamine A/C : le domaine C-terminal responsable d'interactions avec un grand nombre de partenaires. Ils publient aujourd'hui la première structure 3D de ce domaine en complexe avec des partenaires : ici, le domaine intranucléaire LEM de l'émerine et la protéine BAF. Dans ce complexe, un dimère de BAF lie d'un côté le domaine LEM de l'émerine et de l'autre le domaine globulaire de la lamine A/C (Figure 1).
Des mutations dans le domaine globulaire C-terminal de la lamine A/C ont été décrites chez des patients présentant un large spectre de pathologies. Dans l'étude présentée ici, l'impact sur l'interaction entre la lamine A/C et BAF de 7 mutations causant diverses maladies génétiques a été analysé (Figure 2). Les 7 mutants correspondants ont été produits, leur stabilité analysée et leur affinité pour BAF mesurée par microcalorimétrie. Enfin, les chercheurs ont testé dans des cellules la proximité entre la lamine A/C portant ces mutations et BAF. Les résultats obtenus révèlent que seules les mutations provoquant des syndromes de type progéroïde altèrent l'interaction entre la lamine A/C et BAF,
in vitro et
in cellulo. Ceci suggère qu'un défaut d'interaction entre le nucléosquelette et une protéine associée à la chromatine, entraînant vraisemblablement une dérégulation de l'organisation de la chromatine et de l'expression des gènes, pourrait constituer l'un des mécanismes du vieillissement accéléré observé chez les malades atteints de ces syndromes.
Ces travaux, au-delà de la résolution cristallographique d'un complexe protéique crucial pour l'intégrité nucléaire, constituent une véritable avancée dans la compréhension d'une pathologie liée à un mauvais assemblage de ce complexe, accompagné d'un syndrome de vieillissement prématuré.
* : ICSN : Institut de Chimie des Substances Naturelles, Université Paris Sud, Université Paris-Saclay, CNRS UPR 2301, Gif-sur-Yvette, France ;
** Unité BFA : Unité de Biologie Fonctionnelle et Adaptative, CNRS UMR 8251, Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France.