Le déficit en transporteur de la créatine (CTD) est une maladie métabolique et génétique rare dans laquelle la perte de fonctionnalité du transporteur de la créatine (SLC6A8) conduit à une absence de créatine au niveau cérébral. Elle se manifeste par des troubles de la sphère autistique, des déficits intellectuels, des troubles majeurs de la communication et du développement, notamment psychomoteur. Nombre d'enfants sont également affectés par des crises d'épilepsie. Cette pathologie décrite au début des années 2000, encore largement sous-diagnostiquée et qui affecte majoritairement les garçons, pourrait représenter 1 à 2% des retards mentaux d'étiologie inconnue.
PUBLICATION 1 : MODÈLE DE SOURIS CTD
Dans cette publication, les chercheurs ont identifié par spectrométrie de masse plusieurs biomarqueurs liés à l'amélioration cognitive chez des souris modèles présentant les caractéristiques cliniques de patients atteints de déficit en transporteur de la créatine, traitées par un ester-dodécyclique de créatine, un candidat-médicament en cours de développement.
De précédents résultats de l'équipe (fait marquant Joliot 2019) indiquent en effet que l'administration intranasale d'un ester-dodécyclique de créatine (DCE) à des souris SLC6a8-/y (modèle animal de la maladie n'exprimant pas le transporteur de la créatine) s'accompagne d'une augmentation des taux de créatine dans le striatum, le cervelet, l'hippocampe et le cortex, ainsi que d'une augmentation des marqueurs synaptiques dans les terminaisons neuronales, améliorant ainsi leur fonction cognitive.
Ici, les chercheurs se sont attachés à l'identification de biomarqueurs liés à cette amélioration cognitive, afin de mieux comprendre la physiopathologie du CTD et expliquer au plan moléculaire l'efficacité du traitement par le DCE. Pour cela, ils ont utilisé une combinaison de tests cognitifs (test de reconnaissance d'objets, labyrinthe Y, labyrinthe aquatique de Morris) et de méthodes moléculaires à grande échelle telle que la protéomique Shotgun. L'analyse de 4035 protéines dans quatre régions cérébrales différentes (cervelet, cortex, hippocampe, tronc cérébral) a été réalisée sur 24 animaux. Les résultats analysés par bioinformatique intégrative et modélisation statistique ont permis d'identifier plusieurs protéines clés du CTD, notamment KIF1A et PLCB1, dont l'abondance dans les différentes régions du cerveau est significativement corrélée avec l'amélioration des tests cognitifs chez les souris traitées par le DCE. L'identification d'autres protéines suggère que les souris CTD présenteraient aussi des déficits structurels (changements dans la migration neuronale ou la synaptogenèse).
PUBLICATION 2 : MODÈLE ORGANOÏDES DÉRIVÉS DE PATIENTS CTD
Dans cette publication, les chercheurs ont généré et caractérisé des organoïdes cérébraux dérivés de sujets sains et de patients atteints de CTD, chez qui l'expression et l'abondance de biomarqueurs des cellules progénitrices neurales et de la neurogenèse sont modifiées par rapport aux organoïdes de sujets sains.
Les résultats précédents indiquent que les modèles animaux pourraient récapituler le phénotype des patients CTD. Cependant, les différences inter-espèces compliquent l'extrapolation des résultats à l'être humain, d'où l'importance de développer de nouveaux modèles tels que les organoïdes humains outils devenus incontournables pour la biologie et la médecine.
Dans cette deuxième étude et à cette fin, les chercheurs ont reprogrammé des fibroblastes de patients CTD et de sujets sains en cellules souches pluripotentes induites (iPSC), qui ont la capacité de se différencier en n'importe quel type cellulaire du corps humain. Les iPSC ainsi obtenues ont ensuite été différenciées en organoïdes cérébraux, constituant une masse de cellules mimant in vitro la structure et les fonctions principales du cerveau humain. Après avoir vérifié que les organoïdes cérébraux CTD présentaient bel et bien une absorption et des concentrations en créatine réduites, les chercheurs ont de nouveau utilisé la protéomique Shotgun pour comparer les protéomes des organoïdes sains versus CTD et identifier les voies de signalisation impactées. Ils ont ainsi mis en évidence un réseau de signalisation altéré, présentant des similitudes avec d'autres neuropathologies à l'instar des troubles du spectre autistique, du syndrome de Down et du syndrome de l'X fragile. Ces analyses ont également permis d'identifier des acteurs majeurs impactant la neurogenèse, tel que la kinase GSK3β, et la modulation de certaines protéines cérébrales en lien avec les symptômes des patients CTD. L'ensemble de ces résultats met en exergue chez ces sujets un déficit de neurogenèse et de synaptogenèse, futures cibles thérapeutiques potentielles.
CONCLUSION
Les résultats de ces études, sur deux modèles expérimentaux de déficit en transporteur de la créatine, constituent des avancées significatives et contribuent à améliorer de façon indiscutable notre compréhension de la physiopathologie du CTD, offrant ainsi de nouvelles cibles thérapeutiques et une base solide pour la poursuite de la recherche dans ce domaine.
Contact : Aloïse Mabondzo (aloise.mabondzo@cea.fr )