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La réduction photocatalytique du dioxyde de carbone pour la synthèse de médicaments radiomarqués


​Des chercheurs du SCBM (DMTS) et du SB2SM (I2BC), en collaboration avec les radiochimistes du SHFJ, décrivent une approche inédite et optimisée de photoréduction totale de CO2 marqué au 13C en monoxyde de carbone (CO), et la réutilisation immédiate de ce dernier pour la synthèse de composés à haute valeur ajoutée. Outre l'intérêt fondamental du processus décrit, celui-ci ouvre la voie à une radiochimie des isotopes du carbone potentiellement utile en santé humaine.

Publié le 22 novembre 2023

​LA RÉDUCTION DU CO2, UN DÉFI POUR LES CHIMISTES

Utiliser la lumière du soleil pour valoriser le dioxyde de carbone (CO2) représente un concept idéal et un challenge méthodologique qui pourrait contribuer à soutenir une économie durable et neutre en carbone. Les spécialistes de la catalyse bioinspirée (ou photosynthèse artificielle) travaillent depuis plusieurs années à la conception de catalyseurs toujours plus performants et « propres » pour la réduction du CO2, un domaine dans lequel des équipes de Joliot ont déjà obtenu de très jolis résultats. Cependant, la question de la transformation totale du CO2 en monoxyde de carbone (CO) et le problème du devenir du CO, molécule toxique et instable, produit n'a toujours pas été résolue. En particulier, l'excès de CO2 qui n'a pas réagi peut parasiter, par diverses réactions secondaires, la fonctionnalisation ultérieure du CO.

NAISSANCE D'UNE COLLABORATION POUR VALORISER LE CO2 RÉDUIT

En 2018, les spécialistes de la photosynthèse artificielle de l'institut (équipe de Winfried Leibl, département I2BC, en collaboration avec le Pr Ally Aukauloo, ICMMO, Orsay), s'étaient rapprochés des spécialistes du marquage isotopique du carbone par Carbon Isotope Exchange du SCBM (Laboratoire de Marquage au Carbone 14 dirigé par Davide Audisio). Ensemble, ils avaient proposé une stratégie de réutilisation immédiate du CO produit par photocatalyse de CO2 marqué au 13C dans une réaction de carbonylation (introduction du CO dans un composé organique ou inorganique). Ils avaient pour cela utilisé un dispositif à deux compartiments (COwareR two-chamber system) consistant en une première cellule pour la photoproduction du CO, couplée à une deuxième chambre dans laquelle le CO est utilisé dans une réaction de carbonylation, sans ouverture du dispositif (schéma, vue d'artiste). L'intérêt de l'approche résidait dans la possibilité de manipulation et d'utilisation de CO2 marqué au 13C, stable, ou 14C, radioactif, comme source de CO pour l'incorporation ultérieure de carbone marqué dans des composés d'intérêt pharmaceutique (voir Valorisation du dioxyde de carbone pour le marquage de composés pharmaceutiques). Des résultats prometteurs qui avaient cependant révélé les limites de la conversion du CO2 en CO qui n'excédait pas 30%.


Vue d'artiste (© P.Gotico / CEA) qui illustre le côté clair et le côté sombre de la photosynthèse artificielle.

OPTIMISATION ET SUCCES DE LA COLLABORATION

Dans la présente étude, ces mêmes équipes ont réussi à mettre au point un processus photocatalytique optimisé qui permet une conversion complète et rapide du CO2 en CO (<10 min) et la valorisation directe de ce dernier par le biais de réactions de carbonylation sur une variété de substrats, y compris des composés bioactifs d'intérêt pharmaceutique. De fait, les chercheurs ont ainsi procédé à l'étiquetage d'une bibliothèque de dérivés structurellement diversifiée, tels que des amides, des esters, des cétones, des aldéhydes et des acides carboxyliques, en une seule étape à partir du CO2. La méthode convient à tous les isotopes du carbone (13C, 14C et 11C) et ouvre ainsi de nouvelles opportunités pour l'accès direct à des produits pharmaceutiques marqués au 11C et au 14C à partir de leurs sources isotopiques primaires [11C]CO2 et [14C]CO2. Des simulations cinétiques basées sur des modèles de réaction ont également été réalisées afin d'optimiser de manière rationnelle les différentes réactions.

CONCLUSION

De la collaboration initiée en 2018, qui s'était offert la page de couverture de ChemPhotoChem (issue 8, 2018), est née une nouvelle étude inédite, publiée dans Nature Communications, qui étend le champ des applications de la réduction photocatalytique du CO2 à la synthèse de médicaments radiomarqués et pharmaceutiquement pertinents, une étape nécessaire à l'étude de leur biodistribution dans notre organisme (études ADME d'un médicament).

Contacts : Winfried Leibl (winfried.leibl@cea.fr) et Philipp Gotico (philipp.gotico@cea.fr) pour la photocatalyse bioinspirée, Davide Audisio (davide.audisio@cea.fr) pour le marquage isotopique du carbone et la radiochimie du CO, Fabien Caillé (fabien.caille@cea.fr ) pour le marquage au carbone 11.​


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