La plupart des problèmes de santé mentale apparaissent à l'adolescence. Durant cette période, de nombreux diagnostics de maladies psychiatriques sont posés allant des troubles de l'humeur comme la dépression jusqu'à des pathologies telles que la schizophrénie ou les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Or, les raisons de cette vulnérabilité à l'adolescence demeurent mal comprises. Le manque d'informations sur la façon dont le cerveau évolue à cette période de la vie pourrait expliquer ces lacunes. Des études d'imagerie cérébrale récentes ont montré que le cerveau poursuit sa maturation et son développement au-delà de l'enfance jusqu'à 20, voire 30 ans. Ces changements, plus importants dans certaines régions du cerveau que dans d'autres, en particulier dans celles qui hébergent les fonctions cognitives supérieures comme le langage ou la conscience, sont en lien direct avec l'évolution de la santé mentale.
Dans cette étude, les chercheurs ont exploité les données d'une cohorte développementale en libre accès, le Healthy Brain Network (HBN), pour analyser les associations entre les marqueurs de surface corticaux et les scores d'irritabilité et d'anxiété mesurés par les parents et par des auto-évaluations (irritabilité et anxiété sont deux symptômes associés à un risque plus élevé de développer à l'âge adulte des troubles de l'humeur). Les scientifiques ont isolé un échantillon de 718 sujets pour lesquels la qualité des images IRM acquise dans le cadre de HBN était jugée satisfaisante et à partir desquelles l'épaisseur corticale, la surface du cortex et l'indice de gyrification locale (formation des plis caractéristiques du cortex cérébral) ont été mesurées. Ces trois marqueurs de maturation cérébrale ont ensuite été confrontés aux rapports parentaux d'irritabilité et d'anxiété. Les chercheurs ont constaté que, chez 658 jeunes d'un âge moyen de 11,6 ans, les rapports parentaux d'irritabilité étaient associés à une diminution de la surface du cortex préfrontal bilatéral et du précuneus (zone située à l'arrière de notre cerveau, sur la face interne du lobe pariétal du cortex cérébral). Les rapports parentaux d'anxiété étaient quant à eux associés à une diminution de l'indice de gyrification locale dans le cortex cingulaire antérieur et le cortex préfrontal dorsomédial.
Copyright © 2021 Piguet, Mihailov, Grigis, Laidi, Duchesnay, Houenou.
Front. Psychiatry, September 2021
Ces résultats sont cohérents avec les modèles actuels de la maturation du réseau de régulation des émotions. Ils font ainsi apparaître, chez des enfants à risque de troubles de l'humeur, des modifications anatomiques dans les régions dysfonctionnelles.
Contact : Josselin Houenou (josselin.houenou@cea.fr)
Healthy Brain Network (HBN), cohorte initiée en 2015 à New York, constitue l'un des ensembles de données neuroscientifiques le plus vaste et le plus complet consacré à la santé mentale des enfants et des adolescents. Elle regroupera à terme les données de plus de 10 000 sujets âgés de 5 à 21 ans pour lesquels les parents étaient préoccupés par des problèmes psychiatriques potentiels. https://healthybrainnetwork.org/