Lutter contre une épidémie telle que la Covid-19 nécessite des moyens de détection du virus efficaces, rapides, et disponibles sur l'ensemble du territoire. L'identification de l'agent responsable de la pandémie, le virus SARS-CoV-2, et le séquençage de son génome, a permis de développer une méthode basée sur l'amplification de fragments d'acides nucléiques ultra-spécifique (RT-PCR), actuellement méthode de référence. Les capacités de diagnostic des laboratoires d'analyse ont été particulièrement tendues au plan mondial en raison du manque de réactifs pour ces tests en début d'épidémie, au moment crucial où l'accélération très rapide des infections impactait fortement le bilan final.
D'autres méthodologies ne nécessitant pas de réactifs spécifiques par rapport à la cible recherchée peuvent être mobilisables, mais n'ont pas encore suffisamment de maturité pour être déployées à grande échelle. Il s'agit du séquençage des acides nucléiques (génome du virus) et du séquençage des protéines virales (le génome est emballé dans une structure protéique, la capside, elle-même recouverte d'une enveloppe protéique), toutes deux solutions d'avenir, la deuxième faisant l'objet de la présente étude.
Au Li2D (SPI/Marcoule), les équipes se sont mobilisées pour enregistrer des données précises de spectrométrie de masse en tandem sur les protéines du virus SARS-CoV-2 exprimé dans des cellules en culture (cellules Vero E6 infectées par la souche italienne du virus SRAS-CoV-2). Les données obtenues sur 101 peptides issus des principales protéines de ce virus (Figure) ont été exploitées et, parmi les peptides conservés chez tous les variants du virus SARS-CoV-2 connus à ce jour, ceux qui donnaient le maximum de signal en spectrométrie de masse ont été considérés comme des candidats intéressants pour fiabiliser la détection du virus et ont fait l'objet d'une short list. Les chercheurs ont ainsi mis le doigt sur un jeu de peptides dont les propriétés hydrophobes leur permettaient d'être élués par chromatographie en phase inverse dans un laps de temps restreint et donc pouvant être analysés très rapidement (shotgun proteomics).
Schéma représentant le génome du virus SARS-CoV-2 (en vert), protégé à l'intérieur d'une structure protéique, la capside (en bleu clair), elle-même recouverte d'une enveloppe virale (en bleu foncé). Ces 2 structures sont constituées de plusieurs protéines. Les peptides identifiés dans cette étude proviennent des 3 protéines principales de SARS-CoV-2 indiquées sur la figure : la Spicule, S, une glycoprotéine Membranaire, M et une Nucléoprotéine, N. (© Jean Armengaud/CEA)
Ces résultats encourageants sur une sélection de peptides « signature » obtenus à partir des principales protéines virales exprimées dans un système in vitro conduisent maintenant les chercheurs à proposer la validation de leur méthodologie sur des échantillons hospitaliers. Ils souhaitent ainsi montrer l'utilité de la spectrométrie de masse en tant qu'outil d'identification ultra-rapide, ne nécessitant pas de réactif spécifique, du virus responsable de la Covid-19 et également adaptable à n'importe quel pathogène.
Cet article a fait l'objet de la page de couverture du numéro de Juillet 2020 de Proteomics (auteur de l'image: Lucia Grenga)
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/pmic.202070111
- RT-PCR pour Reverse-Transcriptase Polymerase Chain Reaction : Le SARS-CoV-2 étant un virus à ARN, le test procède d'abord à une transcription inverse (RT) pour le transformer en ADN, suivie d'une amplification de cet ADN (PCR).
- La protéomique « shotgun » fait référence à l'utilisation de techniques d'identification de fragments de protéines dans des mélanges complexes en utilisant une combinaison de chromatographie liquide à haute performance combinée à la spectrométrie de masse.
Addendum
Une nouvelle publication de l'équipe de J. Armengaud, publiée dans Journal of Proteome Research décrit comment la spectrométrie de masse permet de détecter des peptides du virus SARS-CoV-2 dans des échantillons cliniques (prélèvements nasals) et ce, en 3 min d'acquisition et sans aucun réactif spécifique. Ce nouvel article démontre, sur des échantillons du CHU de Nîmes, l'intérêt des peptides identifiés et sélectionnés, décrits dans la publication ci-dessus. Voir l'actualité correspondante, qui a également fait l'objet d'un fait marquant de la DRF du CEA (07/08/20).