Chez les mammifères, le cerveau se plisse en proportion de sa taille. Si le cerveau de la souris est lisse, celui de l'Homme présente un plissement complexe qui se met en place au cours du développement fœtal. Celui-ci permet de démultiplier la surface corticale, à volume cérébral constant.
Les sillons qui le composent dessinent des motifs apparemment similaires d'un individu à l'autre, mais en réalité ils forment un ensemble unique, propre à chacun. Cependant, certaines variations morphologiques des sillons sont corrélées à des pathologies comme la lissencéphalie caractérisée par un cerveau lisse, avec des circonvolutions diminuées ou absentes, entraînant retard mental et épilepsie. D'autres variations de plissement, plus subtiles, semblent reliées à des différences fonctionnelles chez des sujets sains. Ainsi par exemple, la forme des sillons du cortex cingulaire antérieur, qui est élaborée in utero et reste stable au cours de la vie, pourrait être corrélée à des performances du contrôle cognitif, ou en d'autres termes, à notre capacité à réagir à des stimuli de manière adaptée suivant le contexte.
Plus généralement, serait-il possible d'identifier une variabilité pathologique des motifs des plissements cérébraux ?
Le cerveau d'un nourrisson né à terme ressemble peu ou prou à celui d'un adulte, et même si la forme des sillons peut encore évoluer par la suite, ces changements restent mineurs par rapport aux motifs acquis à la fin de la grossesse. Alors, quand apparaissent ces motifs et ont-ils un caractère prédictif pour les futures fonctions sensorimotrices et cognitives de l'individu ?
Pour le découvrir, des chercheurs de Joliot et leurs partenaires ont étudié la formation du sillon central qui apparaît relativement tôt durant la grossesse (20e semaine), en amont d'une naissance très prématurée. Ce sillon est par ailleurs compris entre deux régions cérébrales associées au système sensori-moteur, qui bénéficient d'une cartographie fonctionnelle détaillée.
Pour pallier les difficultés techniques et éthiques de l'imagerie longitudinale chez le fœtus sain, les scientifiques ont choisi d'observer la forme du sillon central chez des nouveau-nés prématurés suivis au cours de l'enfance. Leur étude a porté sur une cohorte de 71 grands prématurés, nés entre 24 et 28 semaines d'aménorrhée, et comprenait deux IRM cérébrale :
- à 30 semaines, lorsque le sillon central n'est qu'ébauché ;
- à 40 semaines, soit l'équivalent d'une naissance à terme, lorsque le sillon central est bien développé.
La latéralité des enfants a ensuite été évaluée vers l'âge de cinq ans, ainsi que leurs performances en motricité fine, mesurées à l'occasion d'un test psychométrique.
Que montrent des analyses élaborées des données d'IRM ?
- Les caractéristiques morphologiques du sillon central sont déjà « encodées » vers 30 semaines et par la suite, elles évoluent en respectant cette forme primitive.
- Il existe des asymétries hémisphériques inédites à chaque âge.
- Les liens entre la forme périnatale du sillon central, la latéralité manuelle et la motricité fine restent non élucidés.
Des études complémentaires seront nécessaires pour aller plus loin dans la compréhension des implications fonctionnelles de la variabilité précoce de la forme des sillons. Elles pourraient aussi permettre d'identifier des biomarqueurs précoces, ouvrant la voie à un meilleur diagnostic et à un accompagnement personnalisé de ces nourrissons, à risque accru de troubles neuro-développementaux.