LUMIÈRE, ÉLECTRONS ET OXYGÈNE….
On sait que les plantes font de la photosynthèse grâce à l'énergie solaire et que cela conduit à la formation d'oxygène. Ce que l'on sait moins, c'est que ce processus complexe est hautement régulé et que les plantes optimisent en permanence leurs stratégies moléculaires pour s'adapter aux conditions lumineuses de leur environnement (voir actualité Joliot). L'appareil photosynthétique des végétaux est constitué de deux super-complexes protéiques qui fonctionnent en série, les photosystèmes I et II (PSI et PSII). Chaque complexe, en capturant la lumière, déclenche une réaction photochimique : le photosystème II, le premier des deux centres à intervenir dans la photosynthèse, est un système très oxydant et conduit à la formation d'oxygène (O2); à l'inverse, le photosystème I produit des électrons à fort pouvoir réducteur. L'un des composés réduits par le PSI est l'O2 qui se transforme en anion superoxyde (O2•−), une espèce réactive de l'oxygène (Reactive Oxygen Species, ROS), pouvant s'avérer à la fois délétère pour l'appareil photosynthétique et bénéfique en tant que molécule de signalisation cellulaire. Ainsi, la réduction de l'O2 au niveau du PSI joue un rôle de régulateur sensible aux changements de l'environnement lumineux. Au cœur de ce processus, l'activité des enzymes redox du PSI est cruciale puisqu'elle permet de contrôler les quantités de ROS produites et maintenir une fonction photosynthétique adéquate. Cependant, le rôle respectif de chaque enzyme et ses interactions avec des partenaires au sein du PSI demeurent mal connus.
….AU CŒUR D'UN RÉSEAU REDOX HAUTEMENT RÉGULÉ
Dans ce travail, les auteurs ont étudié finement la régulation de la réduction de l'O2 en O2•− dans le PSI chez la plante modèle Arabidopsis thaliana cultivée pendant différentes photopériodes (alternance de jours courts et de jours longs) et chez différents mutants, par des mesures de résonance paramagnétique électronique (RPE) pour détecter l'O2•−. Sachant que les principales enzymes redox impliquées dans le contrôle des ROS générées dans les chloroplastes pendant la photosynthèse sont les thiorédoxines de type m, la réductase C dépendante du NADPH (NTRC) et la péroxirédoxine 2-Cys (2-Cys PRX), les auteurs ont cherché à savoir si ces enzymes SH-dépendantes interagissaient entre elles et pouvaient fonctionner comme un réseau de régulation redox. Dans des plantes sauvages cultivées en jours courts, la génération de ROS est 2 fois plus importante que dans les échantillons cultivés en jours longs et cette différence est supprimée chez plusieurs mutants des rédoxines. La localisation sur la membrane des thylakoïdes de la thiorédoxine m et de la 2-Cys-PRX varie en fonction de la photopériode. Des expériences in vitro indiquent que plusieurs enzymes sont nécessaires pour obtenir une forte réduction de l'O2 dans les thylakoïdes de plantes cultivées en jours longs. Ainsi, l'interaction de ces enzymes fonctionne bel et bien comme un réseau de régulation redox dans lequel la 2-Cys PRX peut être réduite par la NTRC et la Thiorédoxine, mais peut également ré-oxyder les thiorédoxines réduites, fournissant ainsi un système d'adaptation rapide aux changements du régime lumineux.
Modèle de régulation redox de la réduction de l'O2 au niveau du photosystème I.
Les flèches rouges indiquent le flux d'électrons photosynthétiques. La flèche noire indique une forte réduction de l'O2 en jour court, la flèche noire en pointillés indique une faible réduction de l'O2 en jour long. Hani et al., Plant Physiol., 2024
L'ensemble de ces résultats a conduit les chercheurs à proposer un nouveau modèle de régulation redox de la réduction de l'O2 au niveau du PSI, en fonction du pouvoir réducteur de l'intérieur des chloroplastes (stroma) et de la capacité des différentes protéines contenant des thiols à former un réseau d'interactions redox. Ce modèle pourrait guider de nouvelles recherches sur la régulation redox des voies alternatives de transport d'électrons dans des conditions de lumière fluctuante ou de stress abiotiques (sécheresse, excès d'eau, températures extrêmes, pollution…).
Contact : Anja Liszkay (anja.liszkay@i2bc.paris-saclay.fr ; anja.krieger-liszkay@cea.fr)
Le thylakoïde est un compartiment membranaire à l'intérieur des chloroplastes où ont lieu les réactions dépendantes de la lumière au cours de la photosynthèse. Les thylakoïdes sont constitués d'une membrane entourant un lumen.