Pour diminuer l'accumulation atmosphérique du CO2, un facteur important du réchauffement climatique, il faudrait pouvoir transformer massivement et rentablement le CO2 en carburant ou en briques de synthèse, un réel défi pour les chimistes. Pour le relever, ces derniers peuvent s'inspirer des métallo-enzymes naturelles, particulièrement efficaces, comme la déshydrogénase de monoxyde de carbone, qui réduit réversiblement le CO2 en CO. Dans ce contexte, l'équipe Photocatalyse et Biohydrogène dirigée par Winfried Leibl (SB2SM), en collaboration avec l'ICMMO*, développe, depuis plusieurs années, une famille de catalyseurs bio-inspirés de type porphyrine de fer, particulièrement prometteurs pour l'électro-réduction catalytique du CO2 (voir le Fait Marquant Joliot de 2020).
Dans les enzymes, selon les travaux d'Arieh Warshel, prix Nobel de chimie en 2013, les interactions électrostatiques (à distance) jouent un rôle majeur pour l'activation des substrats, en stabilisant les intermédiaires réactionnels. Qu'en est-il dans les catalyseurs bio-inspirés ? Pour répondre à cette question, dans cette étude, les chercheurs ont conçu et synthétisé une série de porphyrines de fer, mono- di- et tétra-substituées par des groupes cationiques imidazolium dans la seconde sphère de coordination. Ils ont aussi comparé les effets des interactions électrostatiques (à distance) aux effets électroniques (à travers la structure) en synthétisant un dérivé contenant un seul imidazolium et six atomes de fluor sous forme de groupes attracteurs d'électrons (Figure).
Structure des différents catalyseurs de type porphyrine de fer synthétisés et étudiés pour leurs propriétés catalytiques. A Khadhraoui et al.© ChemSusChem 2021
L'étude des propriétés catalytiques (sur-potentiel et TOF**) de ces dérivés a démontré l'effet additif des interactions électrostatiques sur les propriétés catalytiques des porphyrines de fer : tandis que le sur-potentiel de ces catalyseurs diminue avec l'augmentation du nombre d'unités imidazolium, un gain de six ordres de grandeur pour les TOF est observé en passant du catalyseur tétra- au catalyseur monosubstitué. En parallèle, les résultats obtenus avec le dérivé comportant des atomes de fluor indiquent que les effets des interactions électrostatiques surpassent les effets électroniques classiques à travers la structure.
En conclusion, dans le cadre de la quête de systèmes catalytiques rentables pour la réduction du CO2, ces travaux ont permis d'améliorer notre compréhension des relations structure-réactivité de catalyseurs bio-inspirés, nécessaire pour obtenir la combinaison de fonctions chimiques générant des propriétés catalytiques optimisées.
Ces travaux ont été publiés dans la revue ChemSusChem en tant que « Very Important Paper » et ont fait l'objet de la couverture de la revue (n° de mai 2021).
* ICMMO : Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d'Orsay.
** Le sur-potentiel (en mV) correspond au potentiel électrique supplémentaire qu'il faut appliquer par rapport au potentiel thermodynamique de la réaction. Le TOF (turnover frequence) correspond à la fréquence de renouvellement de la réaction (en s-1).
Contacts : winfried.leibl@cea.fr ; ally.aukauloo@universite-paris-saclay.fr