Les
maladies diarrhéiques sont les affections les plus courantes dues à la
consommation de denrées alimentaires et d’eau insalubres. On estime que 550 millions de personnes contractent une telle maladie chaque année, dont
220 millions d’enfants de moins de cinq ans[1]. Les salmonelles[2] et les shigelles[3] font partie des agents pathogènes responsables les plus courants. Elles sont présentes partout, dans l’eau, les sols et la chaîne alimentaire. Les flambées de salmonellose sont très fréquentes, y compris dans les pays occidentaux. Les shigelloses, caractérisées par des diarrhées sanglantes, sont endémiques dans de nombreux pays et provoquent régulièrement des épidémies à la mortalité élevée. Des
règles d’hygiènes alimentaire et sanitaire font partie des mesures de préventions recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé. Toutefois, ces règles ne sont
pas toujours faciles à mettre en œuvre dans les régions au contexte socio-économique difficile. Les
traitements actuellement disponibles sont
symptomatiques (solutés de réhydratation). L’apparition de résistances aux antibiotiques chez ces bactéries rend
difficile le traitement par antibiotiques, et l’existence de
nombreux sérotypes (sous-espèces) de ces agents pathogènes limite le
développement de
vaccins efficaces. Il en existe contre certains sérotypes de
Salmonella (qui provoquent la fièvre typhoïde) mais ils ne fonctionnent pas contre un autre sérotype invasif non typhoïdal, majoritaire en Afrique. La situation est encore pire pour Shigella pour laquelle aucun vaccin n’est à ce jour commercialisé.
Dans l’optique de
développer des vaccins à spectre large capables de protéger simultanément contre ces deux genres bactériens, des chercheurs du SPI/LERI se sont intéressés au système qui permet à
Salmonella et
Shigella d’injecter leurs facteurs de virulence au travers de la membrane plasmique des cellules de l’hôte. Leur « seringue » taille XXS, appelée
système de sécrétion de type III ou injectisome, est très semblable. Particulièrement, les protéines de la coiffe de l’aiguille d’injection (SipD pour Salmonella et
IpaD pour
Shigella) ont un mécanisme d’assemblage et une structure tridimensionnelle assez similaires, malgré une identité de séquence protéique limitée (38%). De plus, leur efficacité de protection contre chacun des genres bactériens a déjà été démontrée chez le rongeur. Ces éléments ont amené les chercheurs à considérer la
possibilité d’obtenir une protection croisée contre
Salmonella et
Shigella en utilisant SipD ou IpaD comme immunogène. L’équipe a administré chacune des deux protéines, seule, par voie intranasale ou intragastrique, dans un modèle murin d’infection intestinale. Des
réponses humorales fortes (productions d’immunoglobulines G et A) ont été induites contre les deux protéines quelle que soit la voie d’administration. De plus, les
souris immunisées avec SipD ou IpaD sont
protégées contre une infection par
Salmonella enterica (sérotype Typhimurium)
ou
Shigella flexneri. L’étude montre ainsi qu’une protection croisée contre
Salmonella -
Shigella est possible et ouvre la voie à la mise au point de molécules thérapeutiques large spectre.
Contact :
Stéphanie Simon (stephanie.simon@cea.fr)
[1] Données de l’Organisation Mondiale de la Santé
[2] Il existe deux espèces de salmonelles :
Salmonella enterica (dont certains sérotypes sont responsables de la fièvre typhoïde) et
Salmonella bongori, et plus de 2000 sérotypes différents.
[3] Il existe quatre espèces de shigelles : Shigella flexneri,
Shigella sonnei,
Shigella dysenteriae et
Shigella boydii.