L’érythropoïétine (EPO), l’albumine, l’interféron ou encore les facteurs de coagulation VII et VIII sont quelques exemples de protéines utilisées à des fins thérapeutiques. Ces biothérapies constituent une classe de médicaments relativement récente qui a considérablement modifié la prise en charge de maladies génétiques (hémophilie, maladies rares comme la maladie de Gaucher, la maladie de Pompe…) mais aussi de cancers. Le frein majeur au développement de telles molécules a longtemps été lié au fait qu’elles peuvent provoquer une réaction immunitaire (on parle d’immunogénicité) avec comme conséquence possible de diminuer leur efficacité, voire de provoquer des réactions auto-immunes dangereuse pour le patient. Pour limiter leur immunogénicité, la stratégie de production des protéines thérapeutiques s’est améliorée au cours du temps. De protéines extraites de tissus animaux, on est passé à des protéines recombinantes puis à des protéines « humanisées ». Stratégie le plus souvent payante. Pour autant, il arrive que des protéines humanisées provoque une réaction immunitaire. C’est le cas de la relaxine qui a été évaluée pour ses propriétés anti-inflammatoires dans des indications telles que l’insuffisance cardiaque et la sclérodermie.
La relaxine est une hormone peptidique, sécrétée par le corps jaune et le placenta pendant la grossesse pour favoriser l’adaptation de l’utérus au développement de l’embryon. Les injections répétées de relaxine provoquent chez la plupart des patients sclerodermiques une réponse immunitaire et la production d’anticorps anti-relaxine qui ont limité son développement clinique. De manière à comprendre l’origine de ces réponses immunitaires, des chercheurs du SIMOPRO (CEA-Joliot) en collaboration avec des chercheurs de SANOFI ont recherché chez les sujets sains si des lymphocytes T spécifiques de la relaxine étaient déjà présents, la production d’anticorps dépendant de l’activation des lymphoctytes T. Ils ont démontré l’existence d’un répertoire important de lymphocytes T spécifiques de la relaxine, circulant dans le sang des sujets sains. Le nombre de lymphocytes T est comparable au nombre trouvé pour d’autres protéines thérapeutiques connues également pour être immunogéniques. Les parties de séquence de la relaxine reconnues par les lymphocytes T ont été identifiées ainsi que les molécules HLA impliquées dans leur reconnaissance. En principe, les protéines du soi induisent dans le thymus la sélection négative des lymphocytes T spécifiques et réduisent ainsi le nombre de lymphocytes T autoréactifs circulant dans le sang des donneurs.
Les travaux réalisés montrent que les lymphocytes T spécifiques de la relaxine échappent en grande partie à la sélection thymique probablement en raison de la faible concentration de relaxine dans le corps. Ces lymphocytes T peuvent générer une réponse immunitaire lorsqu’ils sont stimulés par les injections de relaxine et provoquer l’apparition des anticorps anti-relaxine. Cette étude montre également que l’humanisation des séquences des protéines thérapeutiques ne garantit en rien leur absence d’immunogénicité et confirment l’intérêt de l’évaluation des répertoires de lymphocytes T comme méthode prédictive de l’immunogénicité.
Détection des lymphocytes T CD4 spécifiques de la relaxine (RLN2) par amplification des cellules
in vitro et détection par Elispot IFN-g. © B. Maillère/CEA