Stéphane Abel a commencé sa carrière au CEA en 2003 par un doctorat en simulation moléculaire avec Massimo Marchi (laboratoire de Bioénergétique, Métalloprotéines et Stress de Bruno Robert/I2BC). Il a été recruté en 2008 en tant que chercheur CEA, puis a obtenu son "Habilitation à Diriger des Recherches" à l'Université Paris-Saclay en 2017. Il avait été récemment promu "Directeur de Recherches" par le CEA.
Ses premiers travaux scientifiques, réalisés en collaboration avec l'École Normale Supérieure de Paris, ont consisté à simuler pour la première fois des micelles inverses composées d'un agent tensioactif largement utilisé, l'AOT, dans l'isohexane, avec, à la clé, une première publication reconnue par la communauté internationale.
Par la suite, les intérêts de Stéphane se sont élargis pour inclure les interactions entre les détergents et les protéines membranaires, ce qui constituait à l'époque une activité de recherche majeure du service de Bruno Robert (figure). En s'intéressant au développement de champs de force pour les biomolécules en général et les détergents en particulier, il a réussi à obtenir des charges électrostatiques pour une variété de molécules en utilisant des "blocs de construction", dans lesquels une molécule complexe est divisée en différents fragments chimiques élémentaires avec des conformations bien définies et contrôlées. Il a ainsi participé au développement d'un serveur web (RED server) pour calculer des charges de potentiel électrostatique restreint pour de nouvelles molécules et/ou fragments moléculaires qu'il a ensuite utilisés dans ses simulations.
Modèle moléculaire du complexe collecteur de lumière d'une bactérie photosynthétique © S. Abel/CEA
Dans le cadre de plusieurs collaborations avec des équipes utilisant des techniques spectroscopiques sur des assemblages moléculaires complexes, il a participé à l'étude des propriétés structurelles de protéines transmembranaires reconstituées dans des micelles par dynamique moléculaire.
Plus récemment, en collaboration avec N.Baccile (Sorbonne Université), il s'est impliqué dans la modélisation atomistique de glycolipides d'origine microbienne, une nouvelle classe de lipides pouvant être utilisés pour le développement d'hydrogels, de vésicules ou encore de mousses ultra-résistantes. Les bio-glycolipides sont également dotés de propriétés biocides et stabilisatrices de nanoparticules pour des applications dans le domaine biomédical. Ce travail est financé par l'ANR depuis 2021.
Au-delà de ses recherches, Stéphane affectionnait particulièrement l'art contemporain et collectionnait des montres manuelles et des vaisseaux spatiaux Lego Star Wars. Il avait également un goût peu commun pour les films et les séries de zombies, tout en assistant à de nombreux événements culturels dans les théâtres et musées parisiens avec ses amis. Malgré son handicap, qui lui a valu de nombreux séjours à l'hôpital, c'était un personnage extrêmement attachant et solaire. Ne se plaignant jamais de ses problèmes médicaux, il a toujours eu une attitude positive face à la vie et dans ses relations humaines. Engagé dans des associations caritatives, il a également enseigné pendant de nombreuses années les rudiments de l'informatique à des personnes immigrées.
Il manquera beaucoup à ses collègues, à ses amis et à sa famille.
Massimo Marchi