Il est un mécanisme fondamental dans la réparation et le maintien de la stabilité du génome : la recombinaison homologue. Elle repose principalement sur la protéine Rad51 qui répare l'ADN endommagé à l'aide d'autres protéines telles que BRCA1 ou BRCA2. Du fait de son action dans la stabilité génétique, la recombinaison homologue est généralement considérée comme participant à la suppression des tumeurs. C'est pourquoi, par exemple, des mutations de BRCA1/2 sont observées lors des cancers héréditaires du sein et de l'ovaire. Étonnamment, rien de tel chez Rad51 qui opère pourtant avec ces protéines. C'est le « paradoxe Rad51 » qui interroge l'ensemble de la communauté, dont les chercheurs du CEA-Jacob.
Leur hypothèse ? Rad51 n'est certes pas mutée mais empêchée dans son rôle par les mutations de BRCA1/2. L'ADN ne pouvant alors être réparé, d'autres voies alternatives se mettent en place et c'est leur action mutagène, favorisant l'instabilité génomique, qui serait alors à l'origine des tumeurs. Est-il toutefois possible de bloquer ces mécanismes alternatifs de réparation ? C'est là que se situe la découverte de la collaboration du CEA-Jacob, du CNRS et de l'hôpital Cochin, grâce à la mise au point d'un modèle murin prédisposé au cancer du sein et exprimant une protéine artificielle, SMRad51. « Nous n'avons pas muté Rad51 mais nous lui avons accolé un « dominant négatif », c'est-à-dire que nous avons surexprimé une forme non fonctionnelle de la protéine dans le modèle, de sorte à empoisonner Rad51 pour la rendre inactive et donc l'ensemble du processus de recombinaison homologue », détaille Emmanuelle Martini, du CEA-Jacob.
Un subtil équilibre entre le développement tumoral et le vieillissement précoce
Grâce à la robustesse de leur modèle, les chercheurs ont pu observer une cascade d'évènements suite à la suppression de la recombinaison homologue : stress réplicatif, inflammation systémique, épuisement des cellules souches progénitrices ainsi qu'un vieillissement prématuré conduisant à une réduction de la durée de vie. Mais, contre toute attente, pas de formation de tumeurs. Comment l'expliquer ? Rad51 est essentielle à la réplication de l'ADN et à la prolifération des cellules, dont celles des tumeurs. Si elle est altérée, les tumeurs ne peuvent plus progresser… tout comme les cellules de l'organisme condamné à un vieillissement prématuré.
Une autre explication de ce vieillissement serait à chercher du côté des mécanismes alternatifs mutagènes, tel que suggère la chercheuse : « dans le cadre de notre modèle, SMRad51, bien qu'inactif, leurre les mécanismes de réparation alternatifs mutagènes qui ne se mettent pas en œuvre. En leur absence tout comme celle de la recombinaison homologue inactive, les cellules se retrouvent dans un statu quo et n'ont d'autre choix que de mourir ».
Fort du potentiel thérapeutique des recherches fondamentales autour de Rad51, la collaboration cherche à présent un moyen de cibler directement au cœur des cellules tumorales cette protéine, en faisant des transferts d'ARN, pour arrêter leur prolifération tout en épargnant le vieillissement de l'ensemble de l'organisme.