Les cellules « ressentent » leur environnement et s'y adaptent constamment. En réponse à un signal externe, elles ont en effet la capacité de se « polariser », c'est-à-dire de réorganiser leur squelette interne (cytosquelette) et de repositionner leurs organelles, selon un axe défini par le signal. Est-il possible de concevoir une cellule artificielle capable d'adopter ce comportement ? Des chercheurs tentent de répondre à cette question à la fois pour mieux comprendre l'auto-organisation du vivant et explorer la faisabilité de matériaux réagissant à des stimuli extérieurs (matériaux intelligents).
La polarité est une fonction biologique primitive permettant aux organismes unicellulaires de se diriger vers une source de nutriments ou de fuir un prédateur. Chez les êtres vivants pluricellulaires, elle permet aux cellules d'orienter leurs activités de sécrétion, d'absorption ou de transmission de signaux, en fonction de la position et de la forme des cellules voisines. Bien que les acteurs moléculaires varient d'un organisme à l'autre, les mécanismes impliqués dans la polarisation semblent conservés au cours de l'évolution. Ils sont tous basés sur la réorganisation du cytosquelette.
Dans les cellules animales, le cytosquelette d'actine, très dynamique, réagit le premier en ajustant localement son organisation par rapport au signal.
Le réseau de microtubules s'adapte ensuite aux multiples structures locales du réseau d'actine. L'organisation radiale des microtubules autour d'un « centre organisateur », le centrosome, permet au réseau d'intégrer les informations à l'échelle de la cellule entière et d'élaborer une réponse globale. Cependant, le mécanisme d'intégration des informations est encore inconnu. Il implique un repositionnement du centrosome vers le signal, en réponse à une réorganisation des forces dans le réseau de microtubules.
Où et comment des forces s'exercent-elles sur les microtubules ? Comment sont-elles intégrées au niveau du centrosome ? Comment le réseau d'actine influence-t-il ces forces ?
Pour en savoir plus, des chercheurs de l'Irig ont utilisé des protéines purifiées pour reconstituer
in vitro, dans des micropuits de taille cellulaire, l'interaction d'un « aster » de microtubules avec des réseaux d'actine d'architectures diverses.
En l'absence de filament d'actine, le positionnement de l'aster est très sensible aux variations de la longueur des microtubules. Les réseaux d'actine limitent la sensibilité du positionnement des centrosomes à la longueur des microtubules et renforcent leur centrage (ou leur décentrage), suivant l'isotropie (ou l'anisotropie) de leur géométrie.
Ces résultats représentent une étape importante vers la reconstitution de la polarité dans une cellule artificielle. Ils ont fait l'objet de la couverture de la revue "The EMBO Journal".
Pour en savoir plus.