La capacité de régénération du foie a ses limites. Les agressions successives qu'il subit – consommation d'alcool, infection virale, etc. – entraînent une accumulation progressive de tissus cicatriciels qui conduit à une cirrhose pouvant être compensée un certain temps par l'organisme. Mais une fois « décompensée », la cirrhose évolue dans 30 à 40 % des cas en insuffisance hépatique chronique (Acute-on-Chronic Liver Failure, ACLF), un état sévère caractérisé par une inflammation systémique et la défaillance d'un ou plusieurs organes (reins, foie, système circulatoire, respiratoire). Il serait utile de disposer d'un diagnostic indiquant le stade précis de la maladie.
Dans cette perspective, des chercheurs de Joliot ont étudié l'évolution des taux de 223 lipides sanguins chez 826 patients atteints de cirrhose décompensée et d'insuffisance hépatique chronique (ACLF), ainsi que chez des volontaires sains et des patients atteints de cirrhose compensée. Les mesures ont été réalisées par spectrométrie de masse à haute résolution couplée à la chromatographie en phase liquide (Liquid Chromatography – High Resolution Mass Spectrometry, LC-HRMS).
Cette analyse systématique du lipidome conduit à plusieurs résultats généraux.
- Il n'existe pas ou peu de différences significatives entre les patients sains et ceux atteints d'une cirrhose compensée.
- Une réduction importante, significative et généralisée des lipides sanguins (sauf des acides gras) est observée chez les patients souffrant de cirrhose décompensée.
- Celle-ci est encore plus marquée chez les patients atteints d'ACLF.
Plus précisément, les sphingolipides se détachent par leur capacité à différencier sans ambiguïté cirrhoses compensée et décompensée. Ils sont connus pour leur propriétés structurelles au sein des cellules et sont aussi impliqués dans la régulation de l'immunité et la survie cellulaire. Parmi eux, les sphingomyélines localisées dans les membranes cellulaires sont les plus sensibles à la transition d'une cirrhose compensée vers une cirrhose décompensée.
Pour l'ACLF, un sous-groupe de 17 lipides a été identifié. Parmi eux, les chercheurs ont pu isoler les biomarqueurs les plus spécifiques, à savoir les lysophosphatidylcholines et les esters de cholestérol. Ces derniers s'effondrent lors du passage d'une cirrhose décompensée à une insuffisance hépatique.
Ces résultats permettent d'envisager une nouvelle manière de caractériser la pathophysiologie et les mécanismes biochimiques de la cirrhose du foie.
Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet européen MICROB-PREDICT.