Quand une cellule devient cancéreuse, il arrive que le nombre de ses récepteurs de surface HER2 (Human Epidermal Growth Factor Receptor-2) augmente anormalement, favorisant la prolifération de cellules cancéreuses. Cette surexpression de HER2 est présente chez 12 à 20 % des femmes atteintes d'un cancer du sein. Ces patientes peuvent alors être traitées avec deux anticorps thérapeutiques dirigés contre HER2 : le trastuzumab et le pertuzumab. Introduit plus récemment, le second pallie en partie le problème de la résistance acquise au premier.
Comment ces deux molécules agissent-elles ? Où se lient-elles au récepteur transmembranaire HER2 ? Est-il possible d'expliquer la synergie thérapeutique entre le trastuzumab et le pertuzumab observée par les cliniciens ?
Un objet flexible difficile à étudier
Dans un travail antérieur issu de la recherche industrielle, la cryomicroscopie électronique à transmission (cryo-EM) avait permis de visualiser un complexe associant HER2 et deux fragments de liaison Fab (fragment antigen-binding region) des deux anticorps thérapeutiques. Mais la résolution de carte cryo-EM ne permettait pas de décrire les interfaces anticorps-antigène à l'échelle atomique. HER2 est en effet un objet difficile à étudier du fait de sa grande flexibilité. L'interface HER2-trastuzumab, en particulier, se situe dans la partie la plus flexible : le domaine IV de HER2.
En collaboration avec Sanofi, l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (CNRS, Sorbonne Université, MNHN, IRD) et l'Institut Pasteur, l'Institut Joliot (I2BC) a repris l'étude du complexe ternaire HTP (HER2/Fab pertuzumab/Fab trastuzumab) en cryo-EM.
Les chercheurs se sont attachés à optimiser finement toutes les étapes de la préparation de l'échantillon. Ils ont notamment apporté le plus grand soin à la caractérisation biophysique de l'échantillon en solution, avant son conditionnement dans les trous d'une grille, plongée ensuite dans un bain d'éthane liquide. Ils ont également déterminé que le choix de la grille joue un rôle majeur pour éviter l'agrégation des molécules et favoriser l'intégrité des complexes ternaires HTP.
Une boucle négligée expliquerait la synergie des anticorps
Avec une grille comportant une fine couche de carbone, ils sont ainsi parvenus à améliorer la résolution de la reconstruction du complexe HTP par rapport à l'étude précédente.
- Ils dévoilent une boucle du domaine IV négligée auparavant et qui pourrait être impliquée à la fois dans la liaison du trastuzumab et dans la dimérisation de HER2. Celle-ci est susceptible d'expliquer partiellement l'effet anticancéreux synergique des deux anticorps.
- Ils suggèrent que la flexibilité du complexe HTP reflète la régulation de la signalisation HER2 et son inhibition par les anticorps thérapeutiques.
Alors que l'utilisation de grilles à fine couche de carbone pour pallier les hétérogénéités introduites par l'interface air-eau était jusque-là cantonnée à des complexes de grande taille (> 300 kilodaltons), les scientifiques montrent que ces grilles sont maintenant utilisables avec des complexes flexibles de petite taille (162 kilodaltons).
Les résultats de cette étude ont été déposés dans la base de données publique EMDB (Electron Microscopy Data Bank) pour qu'ils puissent être exploités afin d'améliorer le traitement de données cryo-EM relatives à des complexes flexibles.