Cela fait des décennies que les scientifiques travaillent d'arrache-pied pour prévenir ou guérir le sida. Si la trithérapie permet de baisser considérablement la charge virale, d'autres pistes thérapeutiques sont poursuivies. Par exemple, une équipe de l'Institut de Biologie Structurale travaille depuis plusieurs années autour de la protéine baptisée gp120, que l'on trouve à la surface du virus. A force de l'observer, de la caractériser, les chercheurs en sont venus à mettre au point une molécule ciblant gp120 qui, formulée dans un gel a une activité microbicide et est capable d'empêcher l'infection des cellules.
Le VIH cible des globules blancs du système immunitaire, certains lymphocytes T et les macrophages, grâce à la protéine gp120. « Nous avons deux angles d'attaque, explique Hugues Lortat-Jacob, chercheur à l'IBS. Tout d'abord, nous avons mis au point des mimes du point d'ancrage de gp120 sur les cellules immunitaires. Ce point d'ancrage est le récepteur CD4, que gp120 reconnaît et auquel il s'accroche. » Les mCD4 (m pour mime) se fixent sur gp120 et piègent ainsi le virus. « Nous empêchons également l'entrée du virus dans la cellule », précise le chercheur. En effet, lorsque les virus parviennent à s'arrimer aux CD4 via la protéine gp120, cette dernière change de conformation, exposant alors une nouvelle région de l'enveloppe virale impliquée dans la reconnaissance des corécepteurs CCR5 et CXCR4 et dans l'entrée du virus dans la cellule. « Nous bloquons aussi cette nouvelle région avec un sulfopeptide dénommé PS1 qui lui, mime CCR5 et CXCR4 », poursuit Hugues Lortat-Jacob.
Les chercheurs ont alors synthétisé une nouvelle molécule composée de mCD4 et de PS1. Intégrée dans un gel microbicide, la nouvelle stratégie anti-VIH a été testée in vitro puis in vivo dans un modèle de primate non humain, grâce à une collaboration avec une équipe du CEA-Imeti. « 83% des animaux ont été protégés de l'infection avec ce gel contenant cette molécule de 1ère génération», décrit le chercheur. Actuellement, les biologistes et chimistes travaillent à optimiser l'efficacité de cette molécule. Ils en sont à la 3ème génération de mCD4-PS1, dont l'activité est 100 fois plus importante que celle de la 1ère génération.
Cette stratégie préventive pourrait s'avérer être aussi utile pour traiter l'infection par le VIH. « En effet, lorsque nos molécules mCD4-PS1 se lient à gp120, les anticorps produits par le système immunitaire pourraient reconnaître le virus plus facilement », conclut Hugues Lortat-Jacob.