Le squelette des cellules est impliqué dans plusieurs fonctions vitales. Les microtubules qui le constituent servent de rails pour les transports intracellulaires ou permettent la répartition des chromosomes lors de la division cellulaire. Dans ces deux cas, ces longs éléments tubulaires se doivent d'être suffisamment rigides pour être fonctionnels. Dans d'autres situations, notamment lors de la migration cellulaire ou pour s'adapter à un environnement changeant, les microtubules se plient et se déplient pour déformer le squelette. Les tubes doivent alors s'assouplir, sinon, c'est la rupture. Le squelette des cellules est donc sans cesse en mutation.
La structure chimique des microtubules varie. Quelle est la relation entre les variations biochimiques et les propriétés mécaniques de ces tubes ? « Nous avons développé un outil de microfluidique pour mesurer in vitro la plasticité des microtubules, explique Manuel Théry, directeur de laboratoire au CEA-BIG. En fixant les caractéristiques chimiques des microtubules, nous pouvons répondre à cette question. » C'est ce qu'ils ont fait avec leurs partenaires américains de l'Université de Stanford, qui ont découvert une enzyme ajoutant par acétylation un groupes de cinq atomes aux tubulines, les filaments constituant les microtubules. « Cette acétylation est conservée dans beaucoup d'espèces, décrit le scientifique. Or, la nature ne conserve que des choses utiles. Son rôle doit donc être essentiel. » En observant des microtubules acétylées avec leur outil de microfluidique, les chercheurs ont montré que cette transformation chimique transforme le chêne en roseau !
Comment l'explique-t-on ? « L'acétylation jouerait un rôle de lubrifiant en permettant aux 13 filaments constituant la paroi des microtubules de glisser les uns sur les autres et de relaxer ainsi les contraintes, répond Manuel Théry. Autre question qui se pose alors : comment l'enzyme responsable de l'acétylation est-elle recrutée lorsque les microtubules ont besoin de s'assouplir ? « Nous n'en sommes qu'au stade des hypothèses, ajoute-t-il. Lorsque le tube se plie, il y aurait une ouverture dans la paroi laissant le passage libre aux enzymes pour acétyler les filaments et leur permettre de s'assouplir et ne pas casser sous la contrainte. Cette « respiration » des microtubules serait un cycle associant mécanismes biochimiques et mécaniques. » Les chercheurs cherchent maintenant à le prouver.
Marquage des microtubules (en magenta) et en particulier ceux qui ont été acétylés (vert) dans une cellule en culture © Ana Joaquina Jimenez et Manuel Théry, CEA.