Outre son rôle architectural, le cytosquelette des cellules eucaryotes[1] est impliqué dans bon nombre de fonctions vitales. Ils sont formés de microtubules, qui servent par exemple de rails pour les transports intracellulaires ou permettent la répartition des chromosomes dans les deux cellules filles issues de la division. Dans ces deux cas, ces longs éléments tubulaires se doivent d’être suffisamment rigides pour être fonctionnels. Dans d’autres situations, notamment pour contourner des obstacles à l’intérieur de la cellule, les microtubules ont intérêt à s’assouplir. Et c’est ce qu’ils font, suivant leurs besoins. Quels sont les mécanismes de cette plasticité ?
In vitro, les microtubules sont des structures rigides avec une longueur de persistance mesurée de l’ordre de 1 à 8 millimètre, soit une longueur en dessous de laquelle les tubes ne sont pas déformables. Dans les cellules, la situation est toute autre. En effet, les microtubules affichent une capacité étonnante à se courber sur des distances infiniment plus courtes, de l’ordre du micromètre [2]. Pour en découvrir les raisons, des chercheurs du CEA-IRTSV ont mis au point un dispositif in vitro original de mesure de la longueur de persistance des microtubules. Ils ont ainsi montré que des certainesprotéines MAP [3], présentes dans les cellules eucaryotes et conservées de la levure à l’homme, assouplissent les microtubules. Grâce à une modélisation des propriétés élastiques de ces grandes chaînes moléculaires, les biologistes ont montré que leur longueur de persistance diminue d’un facteur 4 en présence des protéines MAP. Reste à savoir comment ces protéines agissent précisément sur la structure des microtubules pour modifier leurs propriétés mécaniques. Les chercheurs prévoient des observations structurales en cryo-tomographie pour le découvrir.
Observation et mesure de la rigidité des microtubules (en vert). En haut, sans la protéine MAP. En-dessous, avec la protéine MAP. La flèche rouge montre le sens du flux hydrodynamique.
[1] Les eucaryotes sont constitués de cellules pourvues d’un noyau entouré par une membrane et dont l’ADN est porté par les chromosomes. Ils s’opposent aux procaryotes (bactéries), unicellulaires et dépourvus de noyau.
[2] Un millième de millimètre.
[3] De la famille des MAP65 (Microtubule-Associated Protein)