Les néoplasies myéloprolifératives (NMP) sont des maladies hématologiques rares qui évoluent tout au long de la vie du patient et dont les complications vasculaires et hématologiques sont graves.
Caractérisées par des mutations de plusieurs gènes (notamment JAK2, MPL et CALR), elles résultent d'interactions complexes déclenchant :
- une phase de croissance initiale des cellules souches hématopoïétiques (CSH), suivie d'une expansion anormalement monoclonale de ces mêmes cellules, expansion responsable de la prolifération et de la maturation des différentes lignées,
- un syndrome inflammatoire,
- une fibrose de la moelle osseuse.
Les NMP dites « classiques » regroupent :
- la leucémie myéloïde chronique (LMC),
- la polyglobulie de Vaquez (PV),
- la thrombocytémie essentielle (TE),
- la myélofibrose primitive (MPF).
La myélofibrose, consécutive ou non à une autre pathologie (TE ou PV), se caractérise par un échec de la production de cellules sanguines par la moelle osseuse qui est progressivement envahie par des dépôts de fibres de réticuline et de collagène, réaction stromale conséquente à l'expansion anormalement clonale des CSH. La myélofibrose se traduit par une altération de l'état général du patient, avec notamment amaigrissement, anémie et augmentation du volume de la rate (splénomégalie).
Les patients atteints de myélofibrose sévère présentent un mauvais pronostic avec une morbidité accrue en raison de complications (thrombose, hémorragie, infections et évolution en leucémie aiguë) qui réduisent la survie à environ six ans. Les traitements actuels sont principalement palliatifs, orientés vers l'amélioration des symptômes, aucun traitement curatif n'existe en dehors de l'allogreffe de cellules souches sanguines de la moelle osseuse.
En s'inspirant de leurs travaux antérieurs sur le développement d'une thérapie ciblant la leucémie myéloïde chronique, des chercheurs de Jacob ont choisi d'étudier la voie de régulation moléculaire PPAR-γ/STAT-5 afin de trouver de nouvelles pistes thérapeutiques freinant le développement de la myélofibrose.
Plus concrètement, ils ont sélectionné des agonistes (ligands) du récepteur nucléaire PPAR-γ ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) – la pioglitazone (Actos®) pour le diabète de type 2 et la mesalazine (Pentasa®) pour des pathologies impliquant une inflammation chronique – et ont évalué leur action sur la myéolofibrose.
Les tests réalisés sur lignées cellulaires hématopoïétiques in vitro d'une part, et ex vivo sur cellules primaires de patients atteints de myélofibrose d'autre part, ont permis d'appréhender les mécanismes sous-tendant l'action antiproliférative de PPAR-γ sur les cellules progénitrices hématopoïétiques. Ces analyses ont ensuite été complétées avec des essais in vivo ciblant la prolifération des lignées myéloïdes dans trois modèles d'études précliniques murins de myélofibrose : le modèle de myélofibrose post-polyglobulie de Vaquez JAK2V617F, le modèle post-thrombocytémie essentielle ou modèle Calréticuline (CALRdel52) et le modèle TPOhigh.
Ces travaux montrent qu'un traitement utilisant les agonistes de PPAR-γ prévient la chute de l'hémoglobine associée à la pathologie dans les modèles murins étudiés. Ces agonistes réduisent la prolifération des progéniteurs hématopoïétiques et des cellules sanguines du lignage myéloïde (notamment via une diminution de l'activité STAT5), modulent des cytokines de l'inflammation et protègent le stroma médullaire en bloquant l'activité d'une cytokine majeure dans le développement de la fibrose (TGF-β).
En agissant sur les trois axes clés du développement de la myélofibrose, l'activation de PPAR-γ constitue une cible thérapeutique pertinente et ces données soutiennent la possibilité d'utiliser des agonistes de PPAR-γ dans la pratique clinique.
Ces travaux ont été portés par une équipe du CEA-Jacob intégrée au consortium OPALE, labellisé Institut Carnot, consacré à la R&D dans le domaine des leucémies et maladies apparentées.
Pour mieux comprendre…
La moelle osseuse est le siège de la production des cellules sanguines à l'origine des différentes lignées cellulaires. Deux lignées dérivées des cellules souches hématopoïétiques sont à l'origine des futures cellules sanguines : les cellules myéloïdes et les cellules lymphoïdes. La lignée myéloïde donnera les plaquettes qui contribuent au processus de coagulation du sang, les globules rouges qui transportent l'oxygène, et deux types de globules blancs : les granulocytes et les monocytes qui jouent un rôle dans le système immunitaire en luttant contre les infections.
Le stroma médullaire constitue le tissu de soutien permettant la multiplication des cellules souches hématopoïétiques et leur différenciation en créant un microenvironnement adapté. Il est composé de cellules stromales (fibroblastes, adipocytes, ostéoblastes), d'un réseau microvasculaire (cellules endothéliales), et de leurs produits (matrice extracellulaire et facteurs de croissance hématopoïétiques).