Antibiotique utilisé en médecine vétérinaire, la colistine est également employée en dernier recours pour traiter les infections sévères causées par des bactéries résistantes à toute autre antibiothérapie. Toutefois, l'acquisition de mécanismes de résistance à la colistine chez des bactéries gram-négatif a été observée en 2015.
Dès 2019, des chercheurs du CEA-Joliot et de l'hôpital Kremlin-Bicêtre ont mis au point des tests-bandelettes pour détecter dans les fluides biologiques la présence de souches bactériennes résistantes à cet antibiotique et limiter leur propagation dans les hôpitaux, les communautés ou l'environnement.
La même collaboration franchit une nouvelle étape avec un dispositif microfluidique qui permet la culture et l'analyse haut débit simultanée de nombreux échantillons bactériens, encapsulés dans des gouttes (de l'ordre du nano-litre).
Rapidité et sensibilité de la détection des bactéries résistantes grâce à l'IA
Le système développé équivaut à un antibiogramme : il permet de déterminer la concentration minimale inhibitrice de l'antibiotique colistine et avoir ainsi des informations phénotypiques sur les bactéries analysées. Il est donc complémentaire des tests bandelettes de type immuno-chromatographique qui permettent d'identifier directement les mécanismes impliqués dans les résistances.
La rapidité d'analyse est assurée par un traitement des milliers, voire millions, de bactéries par intelligence artificielle. Les chercheurs ont en effet mis au point un algorithme d'apprentissage profond spécifique permettant de classifier les bactéries selon deux profils : sensible ou résistant à l'antibiotique testé.
Résultat : en à peine 2 minutes (contre une quarantaine de minutes pour une analyse manuelle effectuée par un opérateur expérimenté), le profil des bactéries est renseigné, avec de très bonnes performances en matière de sensibilité et spécificité.
Mesurer la croissance bactérienne simultanément sur différents échantillons
Un autre atout de ce dispositif est de pouvoir mesurer la croissance bactérienne au sein des gouttes sans avoir besoin de rajouter des marqueurs de fluorescence, couramment utilisés en microfluidique, ce qui facilite la mise en place du test avec différents types d'échantillons. « Par ailleurs, en concentrant les bactéries et les réactifs dans des micro-volumes, l'avantage est de pouvoir évaluer la croissance bactérienne 10 fois plus rapidement que sur les tests antibiogrammes : 2 heures contre 16 à 24h », estime Karla Perez-Toralla, chercheuse au CEA-Joliot.
Le dispositif complet est très compact et facile à utiliser dans un laboratoire de sécurité microbiologique de niveau 2.