La chromatine renfermant l'ADN des cellules eucaryotes est extrêmement polymorphe au cours d'un cycle cellulaire. En cause : une orchestration complexe des interactions moléculaires au sein de la chromatine elle-même et entre la chromatine et la membrane nucléaire. Le réseau dense de protéines (lamines A, B et C) qui tapisse l'intérieur de la membrane constitue un site d'ancrage de la chromatine à la périphérie du noyau, soit par une interaction directe des lamines avec l'ADN ou les histones (protéines de la chromatine qui servent à compacter l'ADN), soit via différentes protéines se liant aux lamines.
Des mutations des lamines sont en particulier responsables de formes rares de vieillissement prématuré.
En 2018, des chercheurs de CEA-Joliot/I2BC et de l'Université Paris Diderot ont résolu la structure d'un complexe réunissant la lamine A/C, la protéine BAF, qui se lie à l'ADN, et l'émerine, ancrée dans la paroi nucléaire et ont montré que l'interaction entre BAF et la lamine A/C est défectueuse chez des patients atteints de syndromes progéroïdes liés à des mutations de la lamine ou de BAF. Leur étude suggère qu'un défaut d'interaction entre ces protéines pourrait entraîner une dérégulation de l'organisation de la chromatine et de l'expression des gènes, à l'origine du vieillissement accéléré observé chez les malades.
La phosphorylation (ajout d'un groupement phosphate PO43-) de BAF par la kinase VRK1 et sa déphosphorylation sont connues pour réguler sa localisation et sa fonction. Ainsi par exemple, la phosphorylation de BAF l'empêche de se lier à l'ADN. Une surexpression de VRK1 libère partiellement BAF de la chromatine et relocalise la protéine du noyau vers le cytoplasme. À l'inverse, la raréfaction de VRK1 empêche la nécessaire libération de BAF des chromosomes durant la mitose.
Pour mieux comprendre le rôle de la phosphorylation de BAF dans l'assemblage et le désassemblage du complexe BAF/lamine/émerine au cours du cycle cellulaire, des chercheurs de Joliot et du Laboratoire européen de biologie moléculaire (Grenoble) ont mené une analyse comparative de BAF avant et après phosphorylation. Ils ont résolu la structure tridimensionnelle de BAF phosphorylée, décrit sa dynamique en solution et identifié l'impact de la phosphorylation sur les interactions de BAF avec l'ADN d'un côté et la lamine A/C et l'émerine de l'autre. La phosphorylation par VRK1 entraîne une diminution de l'affinité de BAF pour l'ADN d'un facteur 5000. Cependant, de manière inattendue, BAF phosphorylée reste liée non seulement à l'émerine mais aussi à la lamine.