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FIB-Bio, une nouvelle imagerie 3D de la cellule


​Observer des cellules entières avec une résolution de quelques nanomètres, c'est le pari réussi de physiciens et de biologistes grenoblois de la DRF grâce à des moyens d'imagerie et d'usinage dévolus initialement aux micro et nano-technologies. Application à la biologie de microalgues et à la nanotoxicologie des nanoparticules d'argent, avec, à la clé, des images inédites de diatomées sous stress et d'hépatocytes « bourrés » d'argent !


Publié le 26 avril 2019

Certaines microalgues sont des championnes de la photosynthèse et pourraient même, dans un environnement adéquat, produire un substitut aux huiles fossiles. Or malgré les progrès réalisés en imagerie, les structures internes de ces organismes unicellulaires restent mal connues et leurs « super-pouvoirs » mystérieux...

Pour mieux les comprendre, les scientifiques cherchent à observer des cellules avec la meilleure acuité possible mais quelle imagerie choisir ? La résolution de la microscopie optique (ou de fluorescence) est limitée à 200 nanomètres et celle de la tomographie à rayons X à 20 nm. La microscopie électronique à balayage (SEM), quant à elle, permet d'atteindre 4 nm mais elle image seulement la surface et ne permet pas de sonder le volume d'une cellule. Enfin, la microscopie électronique en transmission (TEM), le nec plus ultra, permet de descendre au-dessous du dixième de nanomètre en résolution mais oblige à travailler sur des coupes ultra-minces, d'épaisseur de 50 à 100 nm. Trop long et fastidieux pour étudier des cellules entières…

Plus besoin de découper l'échantillon !

La solution proposée par le projet FIB-Bio consiste à adapter à la biologie la technique d'usinage par sonde ionique focalisée (FIB), développée pour la science des matériaux. Le FIB permet d'abraser l'échantillon sur une épaisseur aussi fine que 3 à 4 nm et peut être pratiqué in situ, entre deux acquisitions d'images SEM. Plus besoin de découper mécaniquement l'échantillon ! Le gain de temps est spectaculaire et la résolution bien adaptée à l'étude des cellules.

Les structures 3D des membranes photosynthétiques  (en vert) issues de  FIB-SEM sont superposées à la micrographie  de la diatomée  (en gris) en microscopie électronique.

« Le FIB a d'abord été utilisé pour usiner des semi-conducteurs, puis dans un deuxième temps, il a été associé au SEM pour visualiser, non seulement ces dispositifs, mais des matériaux comme des bétons ou des roches, se souvient Pierre-Henri Jouneau, physicien à l'Irig. Le FIB-SEM offrait des milliers de coupes possibles avec une résolution pas si éloignée de celle du TEM. Il était donc très tentant de passer du minéral, souvent bidimensionnel, au biologique tridimensionnel ! »

À la plateforme Nanocaractérisation (PFNC) de Minatec, le chercheur croise un utilisateur de TEM, le biologiste Denis Falconet de l'Irig, qui lui propose des échantillons de microalgues. « Le programme DRF-Impulsion nous a fourni le cadre nécessaire à une véritable collaboration », se félicite Pierre-Henri Jouneau, et nous avons aussi pu mobiliser les compétences nécessaires pour adapter la préparation des échantillons aux délicats objets biologiques. »

La cellule, un échantillon délicat à préparer

SEM et TEM imposent en effet un traitement préalable de l'échantillon. Celui-ci doit être durci et débarrassé de toute eau liquide (ou glace cristalline), sans quoi il serait déformé à la mise sous vide et rapidement détruit par le faisceau d'électrons. « Il doit d'abord être fixé par voie chimique ou par cryo-fixation pour éviter toute modification structurale ultérieure, puis l'eau qu'il contient est remplacée par un solvant (alcool ou acétone), qui est ensuite échangé avec une résine durcissant à chaud, détaille Christine Moriscot, de l'Irig. Des métaux lourds sont incorporés à la résine pour renforcer le contraste de l'échantillon. Mais toutes ces opérations sont susceptibles d'introduire des artefacts. Nous cherchons donc à optimiser ces procédés de manière à préserver au mieux l'intégrité de la cellule. » 

Des nanoparticules d'argent dans le foie                 

Pierre-Henri Jouneau propose à Aurélien Deniaud, un autre biologiste utilisateur de TEM à la PFNC, de rejoindre la collaboration FIB-Bio. Ce spécialiste des métaux physiologiques à l'Irig collabore également avec des chimistes sur la neutralisation de l'excès de cuivre, dont souffrent les patients atteints de la maladie de Wilson. Il propose cette fois d'étudier la toxicologie des nanoparticules d'argent auxquelles nous sommes de plus en plus exposés. En raison de leurs propriétés biocides, elles sont en effet utilisées dans de nombreux dispositifs médicaux (aiguilles, cathéters ou pansements), ainsi que dans des produits de consommation courante, comme les chaussettes ou les cosmétiques.

Les nanoparticules d'argent.

Une fois assimilées par l'organisme, elles s'accumulent dans l'organe de détoxication, le foie – qui régule aussi la circulation des métaux physiologiques, notamment celle du cuivre – avant élimination par voie biliaire. À noter que les nanoparticules d'argent peuvent se dissoudre au cours du métabolisme, les ions Ag+ pouvant ensuite « prendre la place » d'ions physiologiques comme le cuivre ou le zinc.  Or des analyses sur des foies malades (après transplantation) révèlent un excédent d'argent par rapport aux foies sains qui les remplacent. La question de l'exposition à l'argent doit donc être posée.

Capter des événements particuliers au sein de la cellule

Pour examiner ce qui se joue dans les cellules du foie (hépatocytes), Aurélien Deniaud a recours à des « sphéroïdes » contenant près d'un millier d'hépatocytes – ceux-ci se sont développés spontanément en volume, en recréant naturellement des canalicules biliaires fonctionnels. Il les met au contact de nanoparticules d'argent puis les observe en FIB-SEM. Résultat : aucune nanoparticule n'est retrouvée dans les noyaux des hépatocytes, ni dans les canalicules biliaires. Leur progression est stoppée à la surface des noyaux, à l'intérieur de vésicules. « Le FIB-SEM rend visibles les ultrastructures de la cellule, précise Aurélien Deniaud. Au bout de sept jours d'exposition, le réseau de mitochondries est altéré. Les mitochondries situées aux extrémités du réseau gonflent, cessent d'être fonctionnelles mais restent connectées entre elles. On peut capter des événements vraiment très particuliers ! »

Hépatocytes altérés par des nanoparticules d'argent.

Des connexions insoupçonnées entre organites 

L'enthousiasme est partagé par les spécialistes de microalgues. « Grâce au FIB-SEM, nous avons découvert un incroyable entrelacement des mitochondries et du chloroplaste chez les diatomées, témoigne Giovanni Finazzi, un autre biologiste de l'Irig participant au projet FIB-Bio. Il existe de nombreuses connexions entre ces organites qui fabriquent les mêmes molécules (ATP). Cette organisation offre un nouvel éclairage sur l'optimisation de la photosynthèse chez les diatomées. »

Les diatomées s'adaptent

Ces microalgues, qui produisent près du quart du dioxygène de la planète, ont une capacité étonnante à s'adapter à leur environnement. Étoiles à trois branches, elles flottent dans des eaux de surface riches en nutriments mais si ceux-ci viennent à manquer, elles adoptent une forme allongée et resserrée aux extrémités qui facilite leur plongée dans les eaux profondes, où elles trouveront d'autres ressources. Ces « écotypes » différenciés peuvent certes être étudiés à la lumière du génome et de l'expression des gènes mais le FIB-SEM donne accès à l'échelle intermédiaire entre celles de la biologie cellulaire et de la biologie structurale.  

Agrandissements successifs de la structures des membranes photosynthétiques (vert)  d'une diatomée.

Pour explorer la réponse des microalgues à des contraintes environnementales, les chercheurs ont également étudié des algues phagocytées par du plancton animal (radiolaire).  « L'hôte les fertilise en leur apportant des nutriments et des minéraux, explique le biologiste, mais il provoque aussi un stress qui empêche les algues de se diviser. Elles grossissent et leurs chloroplastes se développent, permettant une production de sucres qui sont prélevés par l'hôte. » Un flux de carbone est en effet observé de l'algue vers l'hôte grâce à un marquage radioactif.

Et ensuite ?

 « L'avenir est à la microscopie corrélative associant FIB-SEM, microscopie de fluorescence et cryo-microscopie électronique en transmission, conclut Denis Falconet. Pour localiser les produits de l'expression des gènes (protéines) dans les sous-structures cellulaires, il sera intéressant de pouvoir superposer des images de protéine fluorescente (GFP) à celles de FIB-SEM. » Ces outils permettront par exemple de documenter plus précisément l'apparition de gouttelettes lipidiques au cours du métabolisme de diatomées soumises à un stress spécifique.

Autre piste d'amélioration : les biologistes souhaitent développer notamment la « cryo-microscopie FIB-SEM », c'est-à-dire l'observation de cellules congelées à basse température. Cette technique rend superflus les traitements chimiques de l'échantillon et élimine les artefacts associés. Quand le refroidissement de l'échantillon a lieu rapidement ou sous forte pression, la glace est en effet amorphe. Mais dans ce cas, le contraste de SEM est médiocre et la méthodologie doit encore être améliorée.

Enfin, les chercheurs souhaitent accélérer les temps d'acquisition et de traitement des données pour disposer de reconstructions dans des délais raisonnables. L'objectif est de gagner un facteur dix, en ramenant la durée d'analyse de soixante heures typiquement à six. Une révolution est en marche…

ATP : l'adénosine triphosphate fournit l'énergie nécessaire aux réactions du métabolisme.

Chloroplaste : cet organite contenant de la chlorophylle assure la photosynthèse chez les végétaux.

Diatomée : cette algue brune unicellulaire de 2 microns à 1 millimètre, présente dans tous les milieux aquatiques, est enveloppée par un squelette externe siliceux. Elle est prédominante dans le plancton en eaux froides et tempérées.

GFP : Green Fluorescent Protein. La protéine fluorescente verte permet d'observer des protéines dans une cellule vivante.

Mitochondrie : lieu de la respiration, cet organite intracellulaire joue un rôle clé dans la production d'énergie nécessaire à la cellule.

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