À la fin du printemps, il arrive que la neige des prairies alpines se colore de taches orangées dues à la soudaine prolifération de micro-algues Sanguina nivaloides accumulant un caroténoïde, l'astaxanthine.
Après avoir percé les mystères de l'adaptation de ce végétal à un environnement inhabituel, des chercheurs du Centre d'étude de la neige et de l'Irig ont voulu en savoir plus sur leurs efflorescences : localisation, calendrier, impact du changement climatique, etc. Pour cela, ils ont étudié, au sein du consortium AlpAlga, les images des Alpes européennes captées par le satellite Sentinel-2 du programme européen Copernicus pendant cinq ans.
Le premier atlas des neiges rouges des Alpes
En excluant la coloration due aux dépôts de sable saharien, ils ont pu identifier et cartographier les efflorescences les plus intenses, produisant ainsi le premier atlas des neiges rouges des Alpes. Elles apparaissent entre 2000 et 3000 mètres d'altitude, notamment en Vanoise, dans le Valais suisse ou dans le Ruitor italien. À l'échelle du massif alpin, ils recouvrent jusqu'à 1,3 % de la surface au-dessus de 1800 mètres.
Des simulations détaillées du manteau neigeux ont permis de mettre en lumière les conditions d'apparition de ces efflorescences, auparavant inconnues.
- Elles apparaissent après de longues périodes de fonte (~ 50 jours), qui laissent aux algues le temps de se développer dans une neige gorgée d'eau liquide.
- Elles se produisent année après année dans les mêmes zones, ce qui renforce l'hypothèse de réservoirs pérennes de microalgues dans les sols.
- Elles semblent ne pas se développer sur les sols gelés toute l'année (pergélisols). Ce point confirme la sensibilité de Sanguina nivaloides à la congélation, observée en laboratoire, et renforce l'hypothèse que les microalgues trouvent dans la neige un milieu stable thermiquement et protecteur.
Quel impact avec le changement climatique… et sur lui ?
Les scientifiques se sont interrogés de plus sur l'évolution avec le changement climatique des efflorescences de Sanguina nivaloides dans les Alpes. Selon les projections climatiques les plus probables, les quantités de neige et les durées de fonte moyennes vont diminuer significativement à basse altitude (~ 1500 mètres), mais beaucoup moins à moyenne altitude (~ 2500 mètres), là où se trouvent les micro-algues Sanguina nivaloides. La fréquence des efflorescences devrait donc rester stable ou ne diminuer que légèrement à l'horizon 2100. Leur impact en terme d'albédo, par absorption supplémentaire de l'énergie solaire, devrait donc rester marginal dans les Alpes, à la différence des microalgues au Groenland qui contribueraient significativement à la fonte des glaciers.
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