Les moustiques sont vecteurs de nombreuses maladies dévastatrices, parmi lesquelles le paludisme, transmis par les moustiques Anophèles, et la filariose, transmise par les moustiques Culex. La toxine BinAB, produite sous forme de nano-cristaux par la bactérie Bacillus sphaericus, cible spécifiquement les larves de ces deux groupes de moustiques. Une intoxication complexe en cinq étapes (voir encadré ci-après) explique la sureté environnementale de la toxine BinAB, inoffensive pour les autres insectes, les crustacés et l'être humain. BinAB est ainsi utilisée dans de nombreux pays pour réguler les populations de moustiques.
Hélas, la force de BinAB est aussi sa faiblesse : la toxine est inefficace sur les larves des moustiques Aedes, vecteurs de la dengue, du Zika et du chikungunya. Un remodelage de BinAB pourrait permettre d'étendre son spectre d'action, mais encore faudrait-il connaitre sa structure. La cristallographie aux rayons X est une méthode de choix pour révéler la structure d'une protéine, mais elle s'applique généralement à de gros cristaux, d'un dixième de millimètre environ. Or les nano-cristaux de BinAB formés in vivo ne mesurent que quelques dix-millièmes de millimètre et la toxine dissoute ne recristallise pas. Un consortium réunis autour de l'IBS vient de publier cette structure, résolue à partir des nano-cristaux naturels.
Face à la contrainte de la petitesse des cristaux, ils ont eu recours à une source de rayons X d'un nouveau type, un laser à électrons libres, dont la particularité est de délivrer des pulses de rayons X ultra-courts mais très intenses. Parce que rien n'était connu de la structure de BinAB, une approche purement expérimentale (de novo) a dû être envisagée – une approche qui n'avait jusqu'ici été utilisée que sur des échantillons de structures déjà connues, dans le but de démontrer sa faisabilité.
Ainsi, la structure de BinAB est non seulement la première structure résolue à partir de cristaux si petits, mais elle est aussi la première structure inconnue résolue de novo dans un laser à électrons libres. Elle autorise à rêver de la résolution des structures à partir d'assemblages naturels plus petits et plus complexes, tels les organelles, les constituants des cellules.
Plus immédiatement, connaître la structure de BinAB ouvre la voie vers une extension de son spectre d'action. Le but : développer une toxine « trois en un » visant les larves des trois types de moustiques : les Aedes (en vue notamment de contrer la progression du virus Zika), les Culex (vecteurs de la filiarose) et les Anopheles (vecteurs du paludisme).
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C'est à partir de ces cristaux (observés en microscopie électronique à balayage, à gauche) que la structure de la toxine BinAB a été résolue (schéma, à droite). © Mari Gingery (cliché de microscopie électronique, à gauche) / Jacques-Philippe Colletier (schéma, à droite) |
Ce résultat a fait l'objet d'un communiqué de presse.