Les médecins hospitaliers connaissent bien Pseudomonas aeruginosa, ce pathogène opportuniste fréquemment responsable d’infections pulmonaires graves, aiguës ou chroniques, en particulier chez les personnes atteintes de mucoviscidose ou hospitalisées en services de soins intensifs. La grande capacité de cette bactérie, appelée couramment bacille pyocyanique, à acquérir des résistances aux antibiotiques en fait une cible privilégiée pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques. Ces dernières visent à inhiber les facteurs de virulence microbiens plutôt que leur multiplication. Classiquement, le pouvoir pathogène du bacille pyocyanique est largement attribué à son système de sécrétion de type III (SST3). Il s’agit d’une véritable aiguille moléculaire qui injecte des toxines directement dans les cellules de l’immunité ou des barrières pulmonaires et vasculaires, entraînant des dégâts tissulaires majeurs.
Des chercheurs du CNRS et du CEA-IRTSV, en collaboration avec le CHU de Grenoble, ont identifié un nouveau mécanisme de virulence chez une souche de P. aeruginosa. Nommée CLJ1,celle-ci a été isolée au CHU de Grenoble chez un patient décédé d’une pneumonie hémorragique qui a aggravé une insuffisance respiratoire chronique.
Les chercheurs ont montré que cette souche était hypervirulente chez un modèle rongeur alors qu’elle ne possède pas les toxines les plus connues, ni l’aiguille du SST3. Elle provoque une hémorragie pulmonaire fatale chez des modèles infectés, comparable à celle observée chez le patient.
L’analyse comparative des protéines sécrétées par différentes souches de P. aeruginosa a permis d’identifier chez l’une des souches une nouvelle cytolysine, nommée Exolysine A. Celle-ci entraine la mort des cellules infectées en provoquant leur rétraction, la désorganisation de leursquelette d’actine et la perméabilisation de leur membrane externe.
Des souches de P. aeruginosa responsables de pathologies variées, collectées dans divers hôpitaux aux Etats-Unis et en Europe, ont également la capacité de sécréter l’Exolysine A. Ce qui indique que ce type de souche est de répartition mondiale. Il est donc essentiel de prendre en compte ce nouveau mécanisme de virulence pour le développement de nouveaux antimicrobiens visant cette bactérie.