Au sein du domaine du vivant des eucaryotes, les protistes appartiennent à de nombreux et divers phyla et leur diversité biologique excède très probablement celle des plantes terrestres et des animaux réunis. Si des protistes modèles sont aujourd'hui utilisés pour comprendre plusieurs aspects essentiels de la biologie tels que la structure cellulaire, le développement, l'écologie et l'évolution, la diversité des protistes n'est encore que très partiellement caractérisée. De plus, leur participation et leur impact sur les cycles biogéochimiques de la planète sont peu connus à ce jour.
Les boues activées des stations d’épuration biologiques constituent un écosystème complexe. En leur sein, les populations bactériennes hétérotrophes oxydent la matière organique dissoute et particulaire des eaux usées et la transforment en CO2 et en biomasse. Leur présence seule conduit généralement à une boue difficilement décantable et à une eau épurée de médiocre qualité car chargée en bactéries libres et en matières en suspension. La présence de divers protistes comme des flagellés, des amibes et des ciliés est nécessaire au bon équilibre écologique des boues. Leur activité de prédation contribue à clarifier l’eau interstitielle qui sera restituée au milieu récepteur. Les métazoaires de grande taille, contribuent à ré-oxygéner le cœur des flocs par bioturbation. Les protistes et métazoaires ont une croissance lente et sont très sensibles aux toxiques, aux carences en oxygène et aux déséquilibres en nutriments. Par là même, ils sont depuis longtemps utilisés comme bio-indicateurs du bon fonctionnement de la station d’épuration. Leurs effectifs sont évalués à environ 50 000 individus par mL de boue. Leur reconnaissance repose encore largement sur des bases morphologiques, nécessitant une longue expérience de l’observateur. D’autre part, les quelques dizaines d’espèces couramment identifiées dans les boues cachent une grande diversité d’organismes non encore décrite. Certains d’entre eux, capables de s’enkyster, présentent un caractère pathogène.
Les études moléculaires de la biodiversité eucaryote sont beaucoup moins abouties que celles des procaryotes. Le poids relatif des protistes et des métazoaires dans le processus épuratoire reste mal défini.
Nous proposons une approche multiphasique d'étude de diversité des protistes visant à :
- identifier à l'aide d'approches moléculaires (séquençage des gènes codant pour l'ARNr 18S) les différents groupes eucaryotes dans des systèmes épuratoires de rejets domestiques et industriels,
- à étudier leur écologie (développement de sondes nucléiques spécifiques permettant d'étudier leur morphologie, leur abondance et localisation in situ) et leur activité (méta-transcriptomique des ARN eucaryotes).
- Isoler ces microorganismes par micromanipulation et séquencer leurs génomes par single cell DNA genome sequencing
Les premières analyses réalisées sur 1001 contigs provenant de 12 échantillons différents ont permis de mettre en évidence 186 OTU. Ces analyses phylogénétiques nous ont permis d'identifier dans nos échantillons certains phylotypes de protozoaires ciliés et des amibes par exemple, nous avons plus particulièrement mis en évidence et identifié une diversité importante de protistes, dont des groupes majoritaires non attendus à savoir les eucaryotes mycéliens (Fig. 1). Ces micro-organismes seraient dotés d'un potentiel protéolytique important et leur contribution à la dégradation de la matière organique est encore très peu documentée. Parmi les micro-organismes mycéliens, un groupe imparfaitement décrit, celui des
Cryptomycètes est apparu comme majoritaire dans certains de nos prélèvements.
Ces micro-organismes sont non cultivables (ou non encore cultivés !). Nous avons ensuite développé des sondes spécifiques à différents niveaux taxonomiques ciblant plus particulièrement ce dernier groupe.
Ces sondes qui ont été testées sur les différents échantillons. Certaines d’entre-elles ont donné des signaux positifs d’hybridation, extracellulaires (Photo A), sous forme d’inclusions dans le cytoplasme de certains ciliés (Photo B), rotifères (Photo C) et tardigrades (Photo D). Ces hybridations de sondes spécifiques de
Cryptomycota étaient co-localisées avec l’hybridation de sondes généralistes dirigées contre les eucaryotes. La forte stringence auxquelles ces hybridations ont été réalisées tend à prouver leur spécificité. Ces mêmes micro-organismes ont été décrits comme majoritaires sur certaines stations à boues activées renforçant par la même nos observations. Si ces endoparasites sont à ce point dominant, leur rôle dans l’équilibre de l’écosystème est sans doute important et reste à être explicité. Nous continuons à approfondir l’analyse des échantillons, ce qui nous permettra de décrire la morphologie et les interactions spatiales de ce groupe de protistes par les méthodes de FISH.
Références
Jones MD, Forn I, Gadelha C, Egan MJ, Bass D, Massana R, Richards TA. (2011)
Discovery of novel intermediate forms redefines the fungal tree of life. Nature. 474(7350):200-3
Matsunaga, K., Kubota, K., Harada, H. (2014). Molecular diversity of eukaryotes in municipal wastewater treatment processes as revealed by 18S rRNA gene analysis. Microbes and Environments, 29(4), 401-407
Projet en cours de réalisation en collaboration avec :
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L'Institut de Biologie Cellulaire Intégrative : Laboratoire de Génomique et Biodiversité microbienne des Biofilms, Institut de Biologie Cellulaire Intégrative, UMR 9198, CEA-CNRS-UPSud, Orsay, France
Contact : Loïc Morin - loic.morinu-psud.fr
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L'Irstea, ex-CEMAGREF : Unité de Recherches Hydrosystèmes et Bioprocédés, Irstea, Antony, France
Contact : Jean-Jacques Pernelle - Jean-Jacques.Pernelleirstea.fr
Financement : Conseil général de l'Essonne, PRES UniverSudParis (2013)