Les algues brunes (Phaeophyceae) jouent un rôle clé dans la structuration des écosystèmes marins et la production de biomasse, tout en étant utilisées dans des applications industrielles variées, telles que l'alimentation et l'agriculture durable. Les algues géantes, telles que Macrocystis pyrifera, sont les plus grands organismes marins multicellulaires et de multiples espèces d'algues brunes contribuent significativement à la structuration des écosystèmes marins et à la séquestration du carbone dans les océans. Cependant, l'évolution génomique de ce groupe, très éloigné des animaux et des plantes terrestres, demeure encore mal comprise. Pour combler cette lacune, un consortium international mené par des scientifiques du CNRS et du CEA, et financé par l'infrastructure de recherche France Génomique, a analysé 60 génomes couvrant tous les principaux ordres d'algues brunes, révélant des découvertes fascinantes sur leur évolution.
Les résultats montrent que lors de l'émergence des algues brunes, il y a environ 450 millions d'années, une période d'évolution génomique rapide s'est produite. Cette phase a été marquée par l'acquisition de nouveaux gènes et la mise en place de voies métaboliques essentielles pour l'adaptation aux environnements côtiers. Ces innovations incluent la biosynthèse de l'alginate, une substance qui confère aux parois cellulaires des algues leur flexibilité et leur permet de résister aux courants marins. D'autres adaptations ont concerné le métabolisme de composés jouant un rôle clé dans la défense et l'adhésion des algues aux substrats rocheux.
Ces recherches mettent également en lumière comment les algues brunes ont évolué au fil du temps pour s'adapter à divers environnements côtiers. Après leur émergence initiale, le groupe a connu une période de diversification rapide, favorisée par des événements géologiques majeurs tels que la séparation des continents. L'étude montre que cette diversification s'est souvent accompagnée d'une perte de gènes, un processus observé également chez d'autres lignées multicellulaires comme les animaux et les plantes terrestres.
En outre, les chercheurs ont découvert que les insertions de génomes de grands virus de la famille des Phaeovirus sont très répandus dans les génomes des algues brunes. Ces insertions virales, remarquablement diverses et persistantes, semblent avoir eu un impact significatif sur l'évolution de ce groupe.
À gauche : écosystèmes d'algues brunes, Bretagne. A droite : schéma indiquant les positions sur l'estran des espèces clés d'algues brunes séquencées. 1) Ascophyllum nodosum, 2) Scytosiphon promiscuus, 3) Ectocarpus siliculosus, 4) Pylaiella littoralis, 5) Fucus serratus, 6) Dictyota dichotoma, 7) Chordaria linearis, 8) Saccharina latissima, 9) Undaria pinnatifida, 10) Desmarestia herbacea, 11) Schizocladia ischiensis, 12) Discosporangium mesarthrocarpum.
© Photos-W.Thomas/SBR/CNRS/SU, ©schéma-Christophe Vieira, Cell
Ce travail représente une avancée majeure pour notre compréhension des algues brunes, en éclairant leur histoire génomique complexe et en fournissant des ressources essentielles pour la recherche future. L'ensemble des données génomiques est accessible via la plateforme Phaeoexplorer (https://phaeoexplorer.sb-roscoff.fr), un outil précieux pour étudier la fonction des gènes et les implications écologiques de ces organismes. Ces découvertes ouvrent des perspectives importantes pour la conservation et l'exploitation durable des algues brunes, avec des applications potentielles dans la lutte contre le changement climatique et la promotion de pratiques de mariculture écologiquement responsables.