Les cellules souches du sang se forment dans différents endroits du corps au cours du développement embryonnaire jusqu'à l'âge adulte, et sont à la base de la production de tous les types (ou lignages) de cellules sanguines.
Ce système de production est hautement régulé par différents facteurs et interactions inter-cellulaires, mais il n'est pas infaillible. Lorsque des anomalies génétiques s'accumulent dans les cellules souches ou les progéniteurs sanguins, la production normale de ces cellules peut être altérée et le développement de cancers du sang, dont font partie les leucémies, peut survenir.
Les leucémies sont extrêmement diverses car elles peuvent se développer dans n'importe quelle cellule du sang. On en trouve dans les lignages des lymphocytes, cellules immunitaires, ou dans le lignage des cellules myéloïdes, composées des globules rouges, des plaquettes ou d'autres globules blancs comme les cellules poly-morpho-nucléaires ou les monocytes.
Une disparité supplémentaire est observée lorsqu'on considère les leucémies des enfants et celles des adultes, qui sont souvent initiées à partir d'anomalies génétiques différentes. Ces leucémies à la diversité extrême requièrent donc des recherches spécifiques pour pouvoir espérer développer des traitements ciblés.
Les leucémies issues de cellules productrices de plaquettes sont appelées leucémies mégacaryoblastiques. Elles sont observées presque exclusivement chez les très jeunes enfants (âgés de 2 ans ou moins) et une grande proportion d'entre elles sont causées par la fusion des gènes ETO2 et GLIS2. Le fait que les patients soient très jeunes au diagnostic de la leucémie mégaryoblastique suggère une origine prénatale de cette pathologie à pronostic défavorable.
Dans un travail collaboratif récemment publié dans la revue Molecular Cancer, des chercheurs de l'IRCM et de l'Institut Gustave Roussy, en collaboration avec des équipes cliniques et biologiques d'hôpitaux de Paris et de sa périphérie, ont étudié pour la première fois le développement de leucémies mégacaryoblastiques à partir de cellules humaines sanguines saines, souches ou progénitrices, isolées à plusieurs stades du développement sanguin humain. Cette nouvelle réalisation est essentielle pour comprendre les processus de transformation chez l'homme.
Les résultats montrent que des cellules fœtales de moelle osseuse et de foie sont très sensibles à la transformation par la fusion génique entre ETO2 et GLIS2 et récapitulent la leucémie des jeunes patients d'un point de vue cellulaire et moléculaire.
Des cellules souches/progénitrices sanguines plus avancées dans le processus de génération (appelé ontogénie) des éléments du sang peuvent être transformées elles-aussi par cette fusion génique, mais ce phénomène requiert une stimulation par des facteurs de croissance. Il en résulte cependant une leucémie encore différente, plus orientée vers le lignage myéloïde.
Ces cellules présentent également une vulnérabilité que les équipes ont exploité avec succès avec une combinaison de molécules qui ciblent des voies de survie et d'activation de récepteurs. En effet, testée dans des modèles pré-cliniques rongeurs développés à partir de cellules de patients, cette approche thérapeutique a abouti à la guérison de la moitié des modèles traités.
L'analyse présentée ici apporte une nouvelle compréhension des mécanismes de transformation des leucémies de très jeunes enfants, montre l'origine possiblement multi-sources de ce type de leucémies et explique la diversité cellulaire retrouvée dans ces pathologies. Elle soulève également l'importance d'associer différentes molécules disponibles pour le traitement de ces affections sévères. Cette possibilité devra cependant d'abord être validée par des études cliniques.