La radiothérapie fait partie des traitements de référence contre les cancers avec environ 60% de patients traités en France. Seule ou en association avec d'autres traitements, elle consiste à délivrer localement des radiations ionisantes qui vont induire des lésions au niveau de l'ADN telles que des bases chimiquement modifiées et des cassures de brins.
L'objectif du traitement est d'induire une accumulation importante de ces lésions afin de provoquer l'arrêt de prolifération et la mort des cellules cancéreuses. A visée curative ou palliative, la radiothérapie peut être à l'origine d'effets secondaires, certaines cellules des tissus sains avoisinants la tumeur ciblée pouvant être lésées également.
Un des principaux défis de la radiothérapie est donc d'induire efficacement la mort des cellules tumorales tout en préservant les cellules saines, afin de diminuer ainsi les effets secondaires liés au traitement.
Ces dernières années ont vu des développements notables au niveau des sources d'irradiation utilisées afin de mieux cibler les tumeurs. Une des stratégies prometteuses est l'utilisation de la proton-thérapie, nouvelle forme de radiothérapie capable de délivrer l'énergie du rayonnement de manière beaucoup plus précise via un faisceau de protons, sans impacter les tissus sains en amont de la tumeur. L'amélioration de l'efficacité de cette nouvelle modalité de traitement passe par une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de reconnaissance, de signalisation et de réparation des dommages de l'ADN induits par les protons.
C'est dans cette optique que les chercheurs du Laboratoire de Cancérologie Expérimentale et du Laboratoire de Recherche sur l'Instabilité Génétique (iRCM/CEA-Jacob) en collaboration avec Céline Baldeyron du LRAcc (IRSN), ont utilisé le microfaisceau MIRCOM (LMDN, IRSN) pour étudier les effets de l'irradiation des régions subnucléaires des cellules vivantes avec un nombre contrôlé de protons et une haute résolution spatio-temporelle.
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Ils ont observé que l'irradiation localisée avec des protons de 4 MeV induit, en plus des cassures double brin de l'ADN, des lésions oxydatives spécifiques, les bases oxydées 7,8-dihydro-8-oxoguanine (8-oxoG) et thymine glycol (TG) (cf. Figure 1).
Figure 1. Induction de la base oxydée 8-oxoG par le microfaisceau de protons MIRCOM.
L'image montre les noyaux de deux cellules humaines marqués avec le DAPI (gris). La cellule de gauche a été irradié avec un microfaisceau de protons (5 foyers de 20.000 protons chacun). Des anticorps contre la 8-oxoguanine (rouge) révèlent l'induction de la lésion dans la cellule irradiée avec les protons.
Le microfaisceau étant directement couplé à un microscope à fluorescence, il a été possible de suivre en temps réel la cinétique de recrutement de protéines impliquées dans la réparation des dommages de l'ADN. Ils ont ainsi pu observer que les ADN glycosylases OGG1 et NTH1, capables d'exciser respectivement la 8-oxoG et le TG, et d'initier la voie de réparation par excision de base (BER), sont recrutées sur le site de dommages de l'ADN.
Cette étude (publiée dans la revue DNA Repair) représente la première preuve directe indiquant que les microfaisceaux de protons induisent des dommages oxydatifs aux bases de l'ADN, et impliquant ainsi la voie de réparation par excision de base (BER) dans la réparation des lésions de l'ADN induites par les protons.
Ces résultats ouvrent des nouvelles perspectives notamment en envisageant l'utilisation d'inhibiteurs de la voie BER pour améliorer l'efficacité de la radiothérapie.