Les immunothérapies anti-tumorales offrent de nouvelles alternatives pour le traitement des cancers. Elles consistent à mobiliser le système immunitaire du patient afin qu'il reconnaisse les cellules cancéreuses et les détruise. Les résultats probants de nombreux essais cliniques ont conduit à une diversification des axes thérapeutiques parmi lesquels l'utilisation d'anticorps dirigés contre les points de contrôle immunitaire.
Les protocoles actuellement autorisés sont généralement lourds et longs et des résistances à l'éradication totale des tumeurs restent à surmonter. La recherche est donc très active afin de trouver des nouvelles cibles et des traitements plus efficaces, moins délétères pour l'organisme du patient.
La molécule HLA-G est une protéine immunosuppressive connue pour son rôle dans la tolérance fœto-maternelle en contexte normal, mais dont la fonction a été détournée par les tumeurs pour leur permettre d'échapper à la réponse du système immunitaire à leur encontre. HLA-G est exprimée dans de nombreux cancers avec des taux variables et est souvent associée à un mauvais pronostic. Il a été démontré dans des modèles in vitro et chez la souris que son inhibition est un élément crucial dans la restauration d'une réponse immunitaire anti-tumorale, faisant d'elle une cible thérapeutique d'intérêt.
Dans l'étude publiée dans la revue Scientific Reports, les chercheurs du SRHI en collaboration avec le LIAN (Argentine) ont inactivé, pour la première fois, la molécule HLA-G dans deux lignées cellulaires tumorales humaines grâce à la technique d'édition génétique CRISPR-Cas9.
Cette technique permet de couper l'ADN à un endroit précis du génome, dans n'importe quelle cellule. Le système d'ingénierie génétique utilisé pour réaliser cette action est constitué d'un « ARN guide » (sgRNA), qui cible une séquence d'ADN particulière, associé à l'enzyme Cas9, qui coupe l'ADN comme des ciseaux moléculaires.
Dans cette étude, différentes combinaisons sgRNA/Cas9 ciblant les exons 1 et 2 du gène codant pour HLA-G ont été testées dans les deux lignées cellulaires. Les chercheurs ont pu ainsi générer différents clones cellulaires cancéreux avec des niveaux d'expression d'HLA-G faibles voire nuls pour certains.
Dans des études précédentes, il a été montré que la molécule HLA-G inhibe la dégranulation des cellules immunitaires NK1, un des processus à l'origine de leur action cytolytique. Pour déterminer l'effet de HLA-G sur la dégranulation des cellules NK avec les clones générés, les chercheurs ont mis en co-culture des cellules NK avec des cellules cancéreuses exprimant HLA-G (HLA-G+) ou n'exprimant pas HLA-G (HLA-G-). Ils ont observé que les cellules NK en présence des cellules HLA-G- présentaient une activité de dégranulation plus importante qu'en présence des cellules HLA-G+.
L'ensemble de ces résultats ouvre la voie au développement d'une stratégie d'intérêt basée sur l'édition génétique par Crispr/Cas9, l'objectif étant d'inactiver HLA-G chez les patients pour réactiver le système immunitaire qui pourra alors attaquer les cellules tumorales.
La technologie Crispr/Cas9 présente un énorme potentiel dans le cadre de traitements de nombreuses maladies, cependant certains défis doivent être encore surmontés pour une utilisation sûre et efficace chez l'homme. Les auteurs de cette étude proposent de s'appuyer sur des vecteurs de type AAV (virus adéno-associés), pour assurer le « transport » du système sgRNA/Cas9 et sa délivrance dans les cellules d'intérêt du patient dans les meilleures conditions. Rendu inoffensif, le virus AAV présente les avantages d'être peu immunogène, facile à produire et de permettre une expression de longue durée du matériel génétique transporté.
1 : les cellules NK (Natural Killer) sont des lymphocytes cytotoxiques qui peuvent directement lyser des cellules qui ont subi une transformation maligne ou qui ont été infectées par un virus ou un autre pathogène intracellulaire