Le virus du Chikungunya (CHIKV), un arbovirus transmis par les moustiques du genre Aedes, provoque des épidémies d’arthrite invalidante, dont la première a été décrite en 1952 en Tanzanie. De grandes épidémies se sont notamment produites dans les années 1970-80 dans des zones intertropicales en Asie, et en Afrique, puis en 2005 à la Réunion. A partir de 2010, avec entre autre la réussite invasive de l’un de ses vecteurs, le moustique tigre Aedes albopictus, le virus du Chikungunya a fait son retour en Asie, en Inde et en Afrique, puis a atteint l’Amérique du Sud où il est devenu endémique, avec des épidémies récurrentes et des millions de cas répertoriés.
A partir de 2005, lors de l’épidémie à la Réunion, une équipe d’Idmit, département du CEA-Jacob, a développé un modèle animal primate (ou PNH, primate non humain) de l’infection au CHIKV pour caractériser la physiopathologie de l’infection (Labadie et al., 2010). Ce modèle a permis de démontrer la persistance jusqu’à 3 mois du virus chez l’individu infecté et son rôle potentiel dans la persistance de l’infection.
Suite à ces premiers travaux, et dans le contexte de l’apparition des premiers cas autochtones en Italie et de la mise en évidence de la diffusion du moustique tigre dans le sud de l’Europe, un programme H2020 (ICRES) a associé des équipes françaises (Idmit et l’UMR-S 1184 [Inserm/ UPSaclay /CEA Fontenay-aux-Roses]), suédoises, anglaises et allemandes pour évaluer différents candidats vaccins (protéine purifiée, virus inactivé, virus atténué…) sur des modèles murins (Hallengärd et al.,
2014) et sur le modèle PNH développé par Idmit (Roques et al., 2017). Ces études, initialement financées par l’Europe, puis par la société Valneva, ont conduit a identifié le candidat vaccin virus atténué très prometteur et simple à mettre en oeuvre, nommé VLA1553 et mis au point par le Karolinska Institutet (Suède). Compte tenu d’une faible population exposée au CHIKV et de l’imprévisibilité des épidémies, Valneva a pu bénéficier d’un programme européen (CEPI) dès 2010 pour réaliser des essais de phase I (Wressningg
et al., 2020).
Dans les travaux qui viennent d’être publiés dans le journal JCI
Insight, les chercheurs ont réalisé le transfert passif de sérums de volontaires humains vaccinés avec VLA1553 sur des PNH, qui ont été ensuite exposés au virus Chikungunya sauvage. Ils ont pu ainsi démontrer que le transfert de sérum humain a conféré aux PNH une protection complète contre la virémie et la fièvre due au CHIKV. De plus, ce transfert de sérum a protégé les animaux contre d’autres symptômes cliniques associés à ce virus et contre sa persistance dans les tissus. Sur la base de cette étude, un titre de neutralisation a été quantifié, pouvant servir de substitut de protection. Ceci résultat a été soutenu par l’analyse d'échantillons provenant d'une étude séro-épidémiologique.
Compte tenu de la nature imprévue, explosive et rapide des flambées de CHIVK, la réalisation d’un essai d’efficacité du vaccin VLA1553 n’est pas envisageable. C’est pourquoi ces travaux, notamment la définition d'un substitut de protection pour VLA1553, constituent une étape importante vers l'homologation du vaccin.
Contact chercheur CEA : Roger Le Grand (roger.le-grand@cea.fr)