Les tumeurs solides représentent à elles seules 90% des cancers humains. Dans certaines tumeurs solides, une expression élevée de la protéine cellulaire du prion (PrPC) est associée à un pronostic défavorable pour les patients. Au niveau cellulaire, une expression importante de la PrPC dans les cellules tumorales est corrélée à l'acquisition de caractéristiques de type souches1, d'un potentiel invasif et métastatique et d'une résistance à la chimiothérapie. Cependant le rôle de la protéine PrPC dans la réponse tumorale à la radiothérapie n'est pas encore clairement défini.
Dans une étude parue dans Oncogene, les chercheurs du LRTS (Laboratoire de recherche sur la Réparation et la Transcription dans les cellules souches hématopoïétiques) et du LRIG (Laboratoire de recherche sur l'Instabilité Génétique) de l'UMR SGSCR (iRCM) ont montré dans différents types de cellules cancéreuses (mammaires, colorectales, et de neuroblastome2) que l'exposition aiguë ou fractionnée aux rayonnements ionisants (RI) entraînait une augmentation de l'expression du gène PRNP codant pour la protéine PrPC. Lorsque cette augmentation d'expression est limitée (par utilisation d'interférence ARN) ou abolie (par utilisation de la technique d'édition génétique CRISPR-Cas9), les cellules tumorales deviennent plus sensibles aux rayonnements ionisants (radiosensibles).
Dans la cellule, suite à une exposition à des rayonnements ionisants, qui entraînent des cassures de l'ADN, la réponse aux dommages à l'ADN (DDR) est principalement activée par le recrutement et l'activation d'une protéine kinase, ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated), qui, à son tour, peut activer, par des cascades de phosphorylation, des centaines de cibles en aval pour déclencher l'arrêt du cycle cellulaire et/ou l'apoptose et/ou la réparation de l'ADN, selon le dommage initial et le contexte cellulaire.
Les chercheurs ont donc voulu caractériser les mécanismes moléculaires responsables de l'augmentation de l'expression de PRNP suite aux rayonnements ionisants dans les cellules de neuroblastome en s'intéressant plus spécifiquement à la réponse DDR.
Ils ont montré que l'irradiation conduit à l'activation dans ces cellules d'une voie de signalisation impliquant les protéines ATM, TAK1 (Transforming Growth Factor-β-activated kinase 1) et JNK1 (c-Jun N-terminal kinase 1), aboutissant à l'activation transcriptionnelle du gène PRNP via la fixation, sur un site spécifique de son promoteur3, du facteur de transcription AP-1.
Représentation schématique du mécanisme d'activation du gène PRNP , via la voie de signalisation ATM-TAK1-JNK, dans des cellules tumorales exposées aux rayonnements ionisants, conduisant à l'augmentation de leur radiorésistance.
Cette voie de signalisation ATM/TAK1/JNK1, associée à la radiorésistance tumorale, est aussi activée après irradiation dans les autres types de cellules cancéreuses étudiés. Enfin, les chercheurs ont établi que l'inhibition pharmacologique de l'activité de la protéine TAK1 sensibilise efficacement les cellules cancéreuses colorectales, mammaires et de neuroblastome à l'irradiation en empêchant l'induction de l'expression de PRNP.
Tous ces résultats permettent d'apporter un éclairage nouveau sur les mécanismes impliqués dans la radiorésistance des tumeurs solides, radiorésistance associée à une expression importante de la protéine du prion cellulaire et dépendante de l'axe de signalisation ATM-TAK1.
1 : Capacité d'autorenouvellement et de différenciation en cellules spécialisées.
2 : Le neuroblastome est la tumeur maligne solide extra-cérébrale la plus fréquente du jeune enfant. Il s'agit d'une tumeur maligne dérivée des cellules (neuroblastes) à l'origine du système nerveux sympathique et peut être retrouvée en avant de la colonne vertébrale.
3 : Un promoteur, ou séquence promotrice, est une région de l'ADN située à proximité d'un gène et est indispensable à la transcription de l'ADN en ARN.