Les médicaments de demain seront ingénieux, filant directement vers leurs cibles et délivrant des doses efficaces. Beaucoup de ces véhicules thérapeutiques seront à base de nanomatériaux, un de leurs avantages étant leur grande surface spécifique : 1 gramme de ces particules ne présente en effet pas moins de 1500 m2 de surface d’échange ! Les chercheurs travaillent sur leur biocompatibilité et l’efficacité de leur ciblage. Ils étudient bien évidemment aussi leur toxicité éventuelle. Une équipe du CEA-IRCM[1] s’est penchée sur la toxicité de nanovecteurs prometteurs construits sur une architecture poreuse avec des atomes métalliques reliés entre eux par des acides organiques. « Ces montages legos, d’une taille de 200 nm environ, sont sphériques, explique Romain Grall, chercheur au CEA-IRCM. Ils permettront d’encapsuler des molécules actives, telles des cages intelligentes qui s’ouvrent au bon endroit, au bon moment. »
Le CEA-IRCM, en collaboration avec l’Institut Lavoisier de Versailles, a testé la toxicité d’architectures à base d’atomes de fer, d’aluminium et de chrome sur des cultures de cellules pulmonaires et hépatiques. Les biologistes ont étudié différents paramètres décrivant l’impact de ces nanovecteurs sur la cellule. Grâce à la microscopie confocale, ils ont tout d’abord observé que, pour tous les métaux et toutes les lignées cellulaires, les nanovecteurs entrent dans les cellules et y restent, ce que l’on attend d’un nanomédicament pour être efficace. Que se passe-t-il ensuite ? « La cytométrie en flux[2] nous montre que les cellules pulmonaires restent en vie pour tous les métaux, décrit le scientifique. Toutefois, les cellules du foie sont impactées et nous observons une légère augmentation de la mortalité avec les nanovecteurs à base de fer. »
Y-a-t-il d’autres dommages, moins visibles, pour les cellules apparemment en bonne santé ? « L’observation de la vitesse de la division cellulaire indique que les cellules ne sont pas en souffrance, répond Romain Grall. Aussi, le stress oxydant subi par les cellules, analysé ici aussi par cytométrie en flux, et son impact sur leur génome (cassures de l’ADN), observé par marquage immunologique, n’est pas significatif, excepté ici aussi pour la combinaison fer/foie. »
Ces résultats, notamment ceux révélant la toxicité des nanovecteurs sur les lignées hépatiques, pourraient avoir des retombées intéressantes pour le traitement du cancer. En effet, la lignée la plus sensible utilisée par les chercheurs est une lignée cancéreuse qui a la particularité d’être dépourvue de la protéine P53. Cette protéine connue pour ses propriétés protectrices de l’ADN et aussi pour être absente dans beaucoup de cellules cancéreuses. « Les nanovecteurs, notamment ceux à base de fer, seraient ainsi de bons candidats pour cibler spécifiquement les cellules cancéreuses, annonce le scientifique. Cet effet toxique circonscrit aux tumeurs sera renforcé par l’encapsulation de molécules anti-cancéreuses au creux de la nanoparticule. »