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Des polymères aux effets hydratants


​Pas de vie sans eau ? Ce dogme de la biologie est remis en cause par l’observation de protéines actives lorsqu’elles sont enrobées de certains polymères. Une équipe internationale impliquant notamment des chercheurs du CEA[1] , du CNRS et de l’Université Joseph-Fourier[2] vient de mettre en évidence les caractéristiques permettant à ces polymères de maintenir en activité des protéines, au même titre que l’eau.

Publié le 2 août 2012

Les analyses ont été réalisées sur un nano-hybride, un système biologiquement actif en l’absence d’eau et composé d’une protéine, la myoglobine[3], entourée d’une couche de polymères. Les chercheurs ont étudié séparément la dynamique de chacun des constituants et ont montré comment ces polymères peuvent remplacer l’eau pour lubrifier la protéine et lui permettre des mouvements essentiels à son fonctionnement.
Ces résultats pourraient ouvrir de nouveaux champs d’applications dans l’industrie, en pharmacologie et en médecine. Ils sont publiés en ligne le 2 août par le Journal of the American Chemical Society.

Indispensables à la vie des cellules, les protéines actives sont de véritables machines moléculaires. Elles peuvent accélérer la vitesse de réactions chimiques, soutenir les tissus, stocker et transporter des substances essentielles, assurer la communication entre cellules et défendre l’organisme contre les corps étrangers. Les protéines possèdent en grande majorité une structure tridimensionnelle bien définie et des mouvements intrinsèques appropriés nécessaires à leur fonctionnement biologique. Certains facteurs comme la déshydratation cellulaire, ou encore le changement brutal de température, peuvent entraîner une inactivation des protéines : elles ne sont alors plus fonctionnelles et peuvent mener, à terme, à la mort cellulaire.

Il était admis qu’une protéine ne pouvait être fonctionnelle en l’absence d’eau dans son environnement. En 2010, une équipe anglaise de l’Université de Bristol a réussi à créer un nano-hybride, constitué d’une protéine, la myoglobine, encapsulée par des polymères. Ces derniers ont créé une couche autour de la protéine, d’où l’eau était totalement absente, tout en la maintenant fonctionnelle. Cependant, la raison pour laquelle les polymères permettaient de conserver la fonction biologique intacte de la protéine restait un mystère.

Une équipe internationale impliquant des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Université Joseph-Fourier, de l’Université de Bristol (Royaume-Uni), de l’Université Nationale Australienne et du Forschungszentrum Jülich (Allemagne), a alors étudié la dynamique de ce nano-hybride par diffusion de neutrons produits par un réacteur nucléaire de recherche[4]. De manière à analyser séparément la myoglobine et la couche de polymères sans altérer l’intégrité du système, l’équipe a eu recours à une astuce. Ils ont marqué la protéine avec du deutérium (un isotope de l’hydrogène)[5]. Une fois marquée, la myoglobine devient invisible[6] « aux yeux » des neutrons, permettant ainsi d’observer uniquement la dynamique de la couche de polymères. Inversement, l’utilisation de polymères marqués au deutérium permet de n’observer que la dynamique de la myoglobine.

Grâce à la combinaison des techniques de marquage isotopique et de diffusion de neutrons, les chercheurs ont pour la première fois pu montrer que ces polymères possèdent une dynamique équivalente à celle des molécules d’eau autour des protéines. D’autre part, ils ont montré que la myoglobine présente dans le nano-hybride possède une dynamique similaire à celle d’une protéine qui serait normalement hydratée. Au sein de ce système, la myoglobine reste donc fonctionnelle malgré l’absence d’eau : les polymères jouent ainsi le rôle de lubrifiant pour les mouvements de la protéine, mission normalement remplie par les molécules d’eau dans un environnement physiologique.

[1] L'Institut de Biologie Structurale (CEA/CNRS/Université Joseph-Fourier).
[2] L’Institut Laue-Langevin (Grenoble).
[3] Protéine impliquée dans le stockage de l’oxygène dans les muscles.
[4] Deux réacteurs ont été utilisés ici : le réacteur de recherche à haut flux localisé au sein de l'Institut Laue-Langevin (ILL) à Grenoble (France) et le réacteur de recherche FRM II à Garching, près de Munich (Allemagne).
[5] Préparation effectuée au laboratoire de deutération de l’Institut Laue-Langevin.
[6] Du fait de ses propriétés particulières, le deutérium affaiblit le signal mesuré quand il remplace l'hydrogène, jusqu’à le « masquer ».

Rendre des protéines fonctionnelles en l’absence d’eau pourrait ouvrir un champ de travail dans plusieurs secteurs industriels. En effet, la présence d’eau reste un handicap dans bien des situations, comme la conservation de solutions de protéines (dégradation) ou la création de médicaments à forte concentration en principe actif (agrégation). A terme, il serait possible de manipuler facilement un très grand nombre de protéines nécessaires au développement d’applications dans l’industrie, en pharmacologie, et en médecine.




Malgré l’absence d’eau dans son environnement, la myoglobine (en rouge), enrobée d’une couche de polymères particuliers (en gris) conserve sa fonctionnalité biologique. © Journal of the American Chemical Society.

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